Flâneries d’art contemporain dans les jardins aixois
L’art de flâner
Pour fêter l’arrivée de l’été, les jardins aixois se parent d’art. Si flâner signifie se promener au hasard pour le plaisir de regarder, Andréa Ferréol a soigneusement choisi les artistes de sa onzième édition des Flâneries, plus contemporaine, entre musique, littérature, photographie et danse.
Il fallait un maître d’œuvre acharné, tenace, fervent, une main de fer au regard de velours pour arriver à faire ouvrir les grilles des jardins secrets qui jouxtent les bâtisses de la cité du roi René… Indissociable de son rôle dans La Grande Bouffe de Marco Ferreri, Andréa Ferréol a aussi fréquenté le grand Fellini, même si elle n’a finalement jamais tourné avec lui. Cette amitié nous permet de pénétrer dans les coulisses de création de ce géant du cinéma par le biais d’une exposition de costumes de son film Les Clowns, un documentaire réalisé pour la télévision.
Et les Flâneries se déclinent ainsi à la façon d’un grand cabinet de curiosités dans lequel Andréa mêle ses récents coups de cœur aux œuvres de ses amis de plateaux, qu’elle expose dans les jardins de ses voisins en y conviant un large public. Intimiste, hétéroclite et passionné, tel est l’univers des Flâneries.
Côté littérature, le jardin les Molière accueillera Catherine Arditi (Molière 2017 de la meilleure comédienne dans un spectacle de théâtre privé) et Charles Berling (Molière 2016 du meilleure comédien dans un spectacle de théâtre public), ainsi que l’intemporelle Brigitte Fossey et l’écrivaine à succès Irène Frain, qui viendront interpréter des textes d’auteurs contemporain.
Côté arts plastiques, la photo s’invite en force cette année. Elle sortira de sa forme traditionnelle avec trois artistes hétéroclites. D’abord Juliette Chenais De Busscher, qui présentera des photos loufoques dans lesquelles se mêlent esthétisme, technicité et humour. Elle aborde l’autoportrait de manière cinématographique — son autre passion — en se mettant en scène dans un décor où son image se multiplie en diverses postures. Elle prépare actuellement son premier long métrage, Le Viol du routier : « Les Valseuses au féminin, plaisante elle. Je m’échauffe déjà avec une web série sur le sexe 2.0, internet et la nouvelle sexualité. J’aime mélanger les univers qui m’intéressent. La deuxième photo par exemple est inspirée des Bienveillantes, un court métrage que j’ai réalisé sur la guerre de 1945, un hommage au livre de Jonathan Littell du même nom. Là, j’ai mis le costume du court pour mimer sur la photo une armée de nazis, complètement ridicule, genre Charlot à la guerre. Contrairement aux autres, cette image, prise dans l’ancienne gare de Paris, est faite avec trucage, j’y ai rajouté des effets, une perspective, du sépia. »
Eric de Ville s’inspire quant à lui de la Tour de Babel de Pieter Brueghel. Il en a fait une version immeuble qui se décline dans plusieurs villes : Bruxelles (et oui il est belge, il en faut toujours un, comme le souligne Andréa), Bruges, Paris… Chaque tour Immeuble est une superposition de photos montées et assemblées pour créer une image hyper réaliste, laissant croire que le quartier existe. Ces immeubles Babel sont des supports à rêves incroyables où chaque détail est l’une des pièces maîtresses d’un édifice fait de morceaux de vie.
Un travail en forme de revanche pour ce photographe d’entreprise de luxes, qui a abandonné le métier sous la pression du moindre coût (au prétexte de possibilité de retouches numériques). Voilà une belle façon de retourner une situation. D’autant plus que certaines de ses photos se retrouvent actuellement dans divers musées : Ixelles, le Musée d’histoire et d’art du Luxembourg, le Musée de Flandre à côté de Lille et dans une exposition à la bibliothèque de Lyon.
Olivier Glon s’adonne pour sa part à l’art lenticulaire. Des images en relief 3D réalisées à partir de logiciels informatiques. Une technique qui permet de créer des images « auto stéréoscopiques », permettant de voir en relief sans autre instrument. Tombé amoureux des animaux au musée d’histoire naturelle (d’ailleurs devenu son client), Olivier Glon donne à ses créatures animalières si particulières l’expression du bonheur. Inspiré de l’animation, des mangas et du Club Dorothée de son enfance, il donne vie à des lapins en métal argenté aux yeux verts, des abeilles psychédéliques aux grandes dents …
Andréa Ferreol a également sollicité les voisins de la Bastidonne dans le Luberon, l’Atelier Céramique du Grand Réal de l’association La Bourguette, qui accueille trente-neuf adultes avec autisme, pour présenter des céramiques entre art brut et visuel à la Niki de Saint Phalle.
Avec quatre jardins, seize exposants, des nouveautés (avec l’invitation, pour la première fois, d’un auteur de BD, Pierre Fouillet, avec Magic-Majid, et du théâtre de rue avec Robert et Roberte), un concert d’ouverture consacré aux chants d’Orient et d’Occident… il fera décidément bon vagabonder de lieux en lieux dans ces Flâneries.
Marie Anezin
Flâneries d’art contemporain dans les jardins aixois : les 24 & 25/06 à Aix-en-Provence.
Rens. : www.aix-en-oeuvres.com