La Flûte enchantée à l’Opéra de Toulon
Pa pa pa pa… Noël à l’Opéra de Toulon
Farce attrayante ou puissante énigme philosophique, expressionnisme naïf ou chiffré ? À chacun d’aborder les rivages oniriques de La Flûte enchantée comme il l’entend. Avec son dernier opéra, Mozart nous lègue une féerie qu’un enfant peut comprendre alors que certains esprits forts en cherchent encore la clé.
L’enchantement commence dès l’ouverture. Climat mystérieux et fugato incisif vous font parcourir fa presto le voyage vers la lumière pour lequel vous venez d’embarquer. Mais voici déjà la coda. En quelques accords majeurs, elle rassure : les épreuves seront surmontées, les oppositions dépassées et la princesse sauvée. Le rideau s’ouvre. Aïe ! Tamino est en prise avec un énorme serpent…
On ne peut cependant contester le sérieux que le compositeur accorde à ce singspiel illuminé par l’esprit des Lumières, qu’il nomme dans son catalogue « Grand opéra » et dont il suivra le succès avec attention pendant les deux mois qu’il lui reste à vivre après sa création à Vienne le 30 septembre 1791.
L’Opéra de Toulon aborde cette œuvre mythique du répertoire, marqueterie complexe de styles musicaux à la confluence des traditions savantes et populaires, avec la fraîcheur et la vaillance de son jeune plateau vocal. La soprano finlandaise Tuuli Takala (La Reine de la Nuit) allie l’agilité naturelle de sa voix à la technique virtuose nécessaire à l’émission des fameux contre-fa et autres périlleuses vocalises des arias à coloratures. Son timbre scintillant de présence et d’autorité exalte les dimensions nobles et vengeresses de son rôle. Le nom de la soprano roumaine Andreea Soare, qui signifie « soleil », place son rôle sous les meilleurs auspices. Son légato soyeux assouplit la ligne de chant candide et poignante de Pamina. La voix douce mais ferme du ténor Sascha Emanuel Kramer incarne un prince Tamino à la généreuse personnalité. Mozart affecte souvent le registre de baryton, peut-être parce qu’il est le plus proche de la voix parlée, aux personnages positifs et de bon sens ; c’est le cas de l’oiseleur Papageno campé par un joyeux Armando Noguera, maître dans l’art de transformer en musique un éloquent « pa pa pa pa » !
À la baguette, Alexander Briger éclaire toutes les humeurs, toutes les facettes du génie mozartien que cette flûte, testament profane du compositeur, exprime. Mais bien entendu, la plus grande surprise de la nouvelle production de l’Opéra de Toulon reste entre les mains de son metteur en scène, René Koering.
Mozart imprime, sur tous les feuillets de la partition, sa confiance en la vie alors que celle-ci lui manque déjà. Si à cette époque « le bonheur est une idée neuve en Europe », elle poursuivra son chemin, tout au moins en musique, de relais en relais.
Roland Yvanez
La Flûte enchantée : du 27 au 31/12 à l’Opéra de Toulon.
Rens. : 04 94 93 03 76 / www.operadetoulon.fr