Fondation Lee Ufan Arles
Corée graphies
La collection Lee Ufan investit l’Hôtel Vernon, un hôtel particulier du XVIIe siècle en plein centre-ville d’Arles. Ce lieu dédié à l’œuvre de l’artiste coréen est le premier sur le sol français, mais aussi en Europe.
Le lieu ne paraissait pas évident… La structure des bâtiments du XVIe ne laisse pas de place au champ libre, les pièces étant plus exiguës que ce que peut offrir un espace muséal, comme celui de l’île de Naoshima au Japon dédié à l’artiste et pour lequel son architecte, Tadao Ando, a conçu un bâtiment et des circulations sur mesure. Pour Lee Ufan, qui propose des œuvres minérales, massives, nécessitant du recul, le pari semblait donc risqué. L’Hôtel Vernon permet pourtant un tout autre regard sur l’œuvre de l’artiste, dont l’architecte s’occupe de l’aménagement et met en valeur les éléments de fabrication originels (bois, pierre, tommettes…).
Sans plan large, c’est toute la subtilité des installations qui s’offre avec plus d’évidence au visiteur. Le jeu entre lumière et ombre portée des éléments de métal s’imprime sur les sols, agissant comme un révélateur (The Stage). Dans Infinity of the Vessel, l’œuvre n’est pas tant cette immense coupe remplie d’eau que les reflets produits sur les murs. On déambule dans les étroits couloirs labyrinthiques, attentif à ne pas rater une pièce cachée comme 1969/2022, nichée dans un recoin : cette roche qui percute une vitre pourrait à elle seule illustrer la puissance évocatrice de l’œuvre de Lee Ufan. Des matériaux simples, naturels ou industriels qui entrent en résonance (ou en collision, dans le cas présent), dans la tradition du courant Mono-ha (l’école des choses) dont Ufan fait partie.
À l’étage, plus aéré, on retrouve son travail de peinture des années 70 à nos jours. Une œuvre minimale, où les traces de peintures répétées, presque cinétiques, dévoilent le geste du peintre qui étire les couleurs jusqu’à devenir imperceptible. Ce travail de création semble préparatoire à ses œuvres contemporaines, dans lesquelles deux couleurs s’étirent l’une vers l’autre jusqu’à former un dégradé.
Retour au rez-de-chaussée où se trouve Ciel sous terre, la dernière collaboration de Lee Ufan avec
Tadao Ando : une imposante spirale de béton dans laquelle on se faufile pour découvrir au sol un écran avec une vidéo de ciel parcouru de nuages. Cette installation est un clin d’œil des deux créateurs : elle dialogue avec une salle du musée de Naoshima dans laquelle on peut voir le ciel de l’île encadré par les murs en bétons.
Après Luma et sa tour de Babel signée Frank Gehry, cette nouvelle fondation tout en finesse vient saluer les usages constructifs régionaux, au service d’un art conceptuel majeur.
Damien Bœuf
Fondation Lee Ufan : 5 rue Vernon, Arles.
Rens. : https://www.leeufan-arles.org