La Fresque (L’Extraordinaire Aventure) par le Ballet Preljocaj
Tableau vivant
La star de la danse contemporaine Anjelin Preljocaj propose une nouvelle création originale tirée d’un conte fantastique chinois.
Après Blanche Neige en 2008, c’est un conte chinois inconnu, La Peinture sur le mur, que le chorégraphe Anjelin Preljocaj a choisi de revisiter. La Fresque ou l’aventure extraordinaire est une création qui ne ressemble pas à un conte de fées, mais retrace une histoire moderne où se côtoient le réel et le fantastique. Le chorégraphe parvient à distiller une ambiance insolite en début de spectacle avec ses projections et des illusions qui flottent devant le spectateur : est-ce des volutes de fumée, des cheveux ? La question reste ouverte en fin de spectacle. Ces images représentant le monde irréel, et qui hypnotisent assez vite le spectateur, viennent à la rencontre du monde réel incarné par deux voyageurs dansants — qui font leur apparition en rampant. Ces danseurs nous donnent l’impression d’être des mirages flottants sur scène, ce qui contribue à brouiller les pistes et fait dialoguer les mondes réel/irréel et les plans, fixes/en mouvement. Le duo va alors entrer dans les différents tableaux et vivre l’extraordinaire aventure — l’un deux deviendra le héros de la fresque, dès lors qu’il aperçoit la jeune fille dont il tombera amoureux. La jeune fille du tableau apparaît comme une poupée mécanique, aux gestes saccadés, hormis cette chevelure folle et rebelle qui symbolise la femme libre de tout engagement (ce qui est vrai dans la culture chinoise). Entourée d’autres poupées dont la coiffure évoluera différemment durant le spectacle, notre héroïne va peu à peu sortir du tableau pour vivre son histoire d’amour avec notre voyageur. Est-ce qu’elle rêve ? Est-ce le spectateur ? Est-ce le voyageur ? Avec cette idée d’utiliser les cheveux de ses danseuses, Angelin Preljocaj s’inscrit une fois encore dans la modernité en s’éloignant des chignons laqués et des coiffures des ballets classiques. Avec des lianes venant du plafond (qui font penser aux cordes des acrobates du cirque), leurs têtes et leurs cheveux nous hypnotisent en évoluant. Le chorégraphe propose en alternance scènes de groupe dansées et rythmées et scènes plus intimistes ou plus lentes dans lesquelles les deux amoureux dialoguent jusqu’à devoir se séparer dans une scène finale où l’aspect de la jeune fille a changé : elle n’a plus la même coiffure ! Ses cheveux ont été attachés et elle semble assagie. La voilà enfermée à nouveau dans son tableau où elle n’est donc plus libre. Elle a trouvé l’amour. Ou en tout cas, elle ne peut plus batifoler. L’histoire se termine avec nos deux voyageurs qui repartent encore émerveillés de l’aventure qu’ils viennent de traverser. Et le rideau se superpose aux tableaux.
Preljocaj a une fois de plus choisi de collaborer avec des artistes venant de différents univers. La musique originale de Nicolas Godin (membre du groupe Air), qui avait déjà proposé ses mélodies aériennes lors du spectacle Near Life Experience en 2003, livre ici des sonorités parfois surprenantes qui semblent aller plutôt du côté de l’Afrique que de l’Asie…
Après Jean-Paul Gaultier, qui avait œuvré pour costumer les vingt-six danseurs de la troupe pour Blanche Neige, c’est au tour d’Azzedine Alaïa, autre créateur de mode, d’habiller les dix personnages de la pièce. On peut apprécier l’originalité des costumes, même s’ils ne mettent pas en valeur la gestuelle des danseurs, affublés à certains moments de masques et de combinaisons aux longs poils. Ils discréditent le propos du chorégraphe qui, à force de vouloir mélanger les genres, contredit son propos : offrir un ballet poétique et aérien.
Hormis ces détails costumiers et musicaux, l’ensemble séduit par son originalité. Le choix des projections permet de maintenir l’atmosphère insolite tout au long du ballet, et de favoriser le mouvement et le flottement en opposition au mur d’une fresque ou de la rigidité d’un tableau. Anjelin Preljocaj est parvenu à traverser son époque, à surprendre et à séduire plusieurs générations d’amateurs de danse. Pour la première représentation, la salle du GTP était remplie d’enfants accompagnés de leurs parents ou/et d’adolescents qui ont pu partager un moment de danse et découvrir un ballet à la fois classique et académique, offrant une vision contemporaine et pertinente de cette histoire aux multiples facettes. Le spectacle reste à la portée de tous et va trouver son public, tant il offre une métaphore de notre monde actuel, porté sur un virtuel qui prend le pas sur le monde réel.
Cécile Mathieu
La Fresque (L’Extraordinaire Aventure) était présenté du 20 au 24/09 au Grand Théâtre de Provence (Aix-en-Provence), dans le cadre de la rentrée des Théâtres.
Prochaine représentation : le 16/10 au Théâtre de l’Olivier (Istres).
Rens. : 04 42 56 48 48 / www.scenesetcines.fr
Pour en (sa)voir plus : www.preljocaj.org
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