Gamerz 05 : du 26/11 au 4/12 à Aix-en-Provence
Le « je » du gamer
Pour sa cinquième édition, la manifestation aixoise Gamerz propose une fois encore de passer la culture des jeux vidéo par le prisme de l’art contemporain, via citations et détournements divers. Mais qu’en est-il de l’art à proprement parler ? Où s’arrête le plaisir du détournement et où commence l’expérience esthétique elle-même ?
Pour qui est un tant soit peu familier de la culture des jeux vidéo, le plaisir du détournement constituera sans doute le principal attrait du festival proposé par l’association M2F. Amusés, on y visualisera des Machinimas (films montés à partir de jeux vidéo détournés). Médusés, on y trouvera la NES, première Nintendo, élevée au rang d’icône mystique d’une sorte de « fabuleux monde des jeux vidéo » représenté en 2D. A la fois hilares et étonnés, on y retrouvera les terroristes de Counter-Strike dans le lobby d’un hôtel, en train de s’occuper à diverses activités de loisir — musique, discussions philosophiques… Devant ces concepts pour le moins cocasses, le « gamer » de base se rendra vite compte de la gravité de son affliction. A commencer par le joueur de Playstation invétéré qui, remarquant la présence des fameux symboles de sa manette fétiche (rond, croix, carré, triangle) en surimpression d’une séquence filmique, les interprétera certainement comme la manifestation incontestable du fait qu’il s’agit forcément d’un jeu et non d’un film. Le détournement se pose comme une sorte de rite païen au cours duquel les joueurs s’amusent de leurs propres habitudes, de leur culture et de leur façon de voir le monde. Or, appréhendées uniquement sous cet angle, les œuvres présentées ici perdraient en intérêt. Sans compter que certaines ne sont pas du tout appréciables de la sorte. Que penser par exemple d’une machine où le fameux Pong est revisité de telle façon que le joueur devra entrer des codes binaires pour y jouer ? Après l’étonnement, vient la prise de conscience : puisque le code binaire est le langage de l’ordinateur, c’est comme si ce dernier me demandait d’essayer de comprendre sa « façon de penser ». Et quand la programmation sort carrément du cadre du jeu vidéo et de son détournement (motif dont on aurait pu se lasser à la longue), le festival nous offre d’autant plus d’expériences esthétiques. Evoquons notamment cet immense monstre formé de monceaux de bandes de cassettes audio exposé à la Scène Numérique (Seconde Nature), monstre dont on pourra « écouter » les cheveux à l’aide d’un curseur manuel relié à des hauts parleurs. Ainsi, assumant parfois une certaine distance vis-à-vis d’une culture vidéo-ludique somme toute assez balisée, les organisateurs ont sélectionné quelques créations « hors jeux » aux ressorts tout aussi passionnants. Car nous faire vivre des expériences esthétiques stimulantes — en nous permettant de jouer avec nos émotions — est finalement ce que les Gamerz ont de meilleur à nous proposer.
Texte : Jonathan Suissa
Photo : Colin Ponthot, Monster happy tapes
Gamerz 05 : du 26/11 au 4/12 à Aix-en-Provence (voir programmation détaillée ci-contre).
Rens. 06 23 80 71 27 / www.festival-gamerz.com