Même chez Darty, où se brandit pourtant le fameux « contrat de confiance », le vendeur du mois n’aurait pas pu lutter. La bonne affaire Daewoo, c’était le week-end dernier, au Théâtre de Fos-sur-mer ! (lire la suite)
Même chez Darty, où se brandit pourtant le fameux « contrat de confiance », le vendeur du mois n’aurait pas pu lutter. La bonne affaire Daewoo, c’était le week-end dernier, au Théâtre de Fos-sur-mer !
Chouette, se réjouissait-on avant d’y aller : avec un titre pareil, on va enfin tout savoir de l’assemblage d’un four à micro-ondes ou d’un téléviseur sur une chaîne de montage ! L’auteur François Bon n’a d’ailleurs pas mégoté, puisque les quatre personnages exclusivement féminins de son texte ont tous été salariés de Daewoo. « Ont été », c’est bien là que le bât blesse. Car, avec davantage de sérieux et pour la « petite » histoire, rappelons qu’à la fin des années 90, Daewoo a fait résonner aux oreilles de ses salariés une litanie qui, semble-t-il, n’a pas fini de se faire entendre : plans sociaux, délocalisations, fermeture, licenciements, reclassements, chômage… Le grand patron de l’électroménager coréen apparaît comme un vrai salaud qui a fait la nique à l’Etat français, c’est une chose, et à l’ensemble de ses salariés lorrains, c’en est une autre. Entre le contexte (le travail à l’usine) et son issue (la fermeture), le pavé à lancer paraît alors presque trop lourd… D’ailleurs, si l’auteur joue par exemple sur une terminologie désespérément mais implacablement en vogue (énumérée ci-dessus), si le final de la représentation enfonce le clou en explicitant cette inacceptable situation, François Bon choisit le plus souvent d’éclabousser avec subtilité, par petites touches ou ricochets. Cela n’aura d’ailleurs pas échappé à Charles Todjman, le metteur en scène, ni aux interprètes qu’il dirige : également convaincantes, celles-ci rendent les émotions palpables et — ce n’est pas la moindre des réussites — le jeu crédible. Elles donnent corps à ces voix anonymes qui témoignent, sans s’épancher et avec une certaine pudeur, de leur quotidien désormais exempt de travail. Il y a bien sûr eu la mobilisation, les revendications et la lutte. Aujourd’hui y succèdent un emploi du temps à réinventer, de nouvelles démarches à mener, un mari à gérer. Des courses à faire « pendant » la journée. Elles veillent, plus que jamais, à embrasser les copines à l’extérieur de Lidl, pour laisser à chacune le soin de camoufler ce qui constituera le repas du soir. Si elles parviennent à nous faire rire parfois, c’est jaune : le plus souvent, on grince des dents. En les écoutant, on se dit que les gens sont gonflés aujourd’hui : on leur offre du boulot avec une (éventuelle) garantie de deux ans incluse alors qu’à une époque, il n’y en avait pas du tout !
Guillaume Jourdan
Daewoo était présenté au Théâtre de Fos vendredi 3 et samedi 4.