Un génie sans piédestal, Picasso et les arts & traditions populaires au MuCEM
Quartiers d’Ibère
Avec l’exposition Un génie sans piédestal, le MuCEM propose de voir Picasso sous un nouvel angle, en « recycleur » proche de ses amours espagnoles. Tauromachie, musique mais surtout simplicité du génie sont au rendez-vous.
Parodies d’ex-voto, masques de cirque, dessins de saltimbanques, colombes en terre cuite… C’est peu dire que les arts et les traditions populaires ont façonné l’imaginaire de Pablo Picasso. Pour rendre hommage à ce magicien, qui semble être resté un éternel enfant, l’exposition du MuCEM se décompose en deux parties. La première est consacrée aux thématiques fétiches de Picasso, celles qui ne l’ont plus quitté depuis son départ d’Espagne en 1936 : la tauromachie, la musique, mais aussi les coiffes traditionnelles espagnoles et la colombophilie, passion de son père. Le lien entre l’Espagne regrettée de son enfance et son travail artistique transparaît dans presque chacune de ses œuvres. Chaque section s’enrichit aussi d’une vitrine où sont présentés des éléments de contextualisation : une guitare de cirque, des mantilles, un costume d’Arlequin… Tout concourt à faire de l’œuvre de Picasso le symbole même de l’hispanité. Les coiffes traditionnelles des femmes se retrouvent dans toutes ses époques, du Portrait de Paule de Lazerme en Catalane (1954) au Portrait de Lee Miller en Arlésienne (1937), dans un style plus surréaliste. Et que dire de la tauromachie ? Décliné sur des toiles, des céramiques ou même des pièces d’orfèvrerie, le taureau est partout. Il est par contre bien plus rare de voir le moment de sa mise à mort. Deux tableaux le montrent ici. Sauf que ce n’est pas l’animal qui meurt, mais le torero ! Voilà sans doute ce qui fait de Picasso un génie : l’artiste s’approprie chaque objet, chaque élément de son quotidien, pour le détourner et en faire quelque chose de nouveau.
La seconde partie de l’exposition, sur les techniques et les assemblages de Picasso, prend alors tout son sens. Toujours à travers le prisme des symboles, l’exposition propose de voir en Picasso un artiste multifacette qui faisait feu de tout bois. Une assiette, une branche d’arbre, une marmite… Tout est propice à la création, tout éveille l’art chez Picasso. Et ces œuvres-là ne sont pas les moins émouvantes. Que dire face à sa sculpture Femme portant un enfant (1953), faite de bois peint et d’une feuille de palmier ? Ou face à cette Tête de taureau (1942), assemblage d’un guidon et d’une selle de vélo ? Œuvre doublement symbolique, puisqu’elle évoque aussi une période où la viande manquait, et où faute de véhicule, on se déplaçait à vélo. Picasso apparaît comme un ogre, un monstre de créativité qui a réinventé tout ce qu’il a touché. En ce sens, son séjour à Vallauris s’est avéré fondamental à sa création. C’est là qu’il s’initie à la céramique, puis à l’orfèvrerie. Picasso apprend, mais sans jamais voler la technique ou le style. Un artiste tout en simplicité, qui n’a jamais cessé de questionner l’art pour mieux le réinventer. Et ce jusqu’à l’un de ses derniers tableaux : un autoportrait où il porte la barretina, la coiffe traditionnelle des hommes espagnols, interdite sous Franco. Ultime provocation, ultime plaisir d’un artiste qui n’a jamais pu revenir dans son pays, mais qui n’a cessé de le sublimer.
Léa Soula
Un génie sans piédestal, Picasso et les arts & traditions populaires : jusqu’au 29/08 au MuCEM (Quai du Port, Esplanade du J4, 2e).
Rens. : 04 84 35 13 13 / www.mucem.org