Gilles Desplanques à Diagonale 61 et à la GAD
Desplanques à découvert
Gilles Desplanques se paye les deux plus petits espaces d’expo de Marseille (par la taille, mais pas par le talent) : la vitrine du RIAM et la GAD, l’une à deux pas de l’autre. Le quartier Lonchamp sombre ainsi dans les névroses induites par les élucubrations fictionnelles de l’artiste.
Pas homme à tout faire mais un homme qui sait tout faire, Gilles Desplanques, non content d’être l’un des artistes les plus stimulants de la scène marseillaise, fait preuve d’une inépuisable capacité d’entreprendre. Directeur et programmateur de la galerie HO, un pied dans la librairie l’Histoire de l’œil, co-fondateur du réseau des galeries et lieux d’art contemporain Marseille Expos, l’artiste aurait pu marquer 2013 de sa Pop Up House (1) que l’on attendait tant, projet pharamineux de la Capitale culturelle, si la malchance et un peu de mauvaise foi n’avaient pas fait tout capoter…
Peu importe, tel un super-héros barbu, il nous offrait une exposition à la Galerie des Grands Bains Douches qui nous faisait entrer chez les fous (Sortie de Secours), et continue de nous rendre barges en 2014 ! D’abord sur les vitrines et le trottoir de Diagonale 61, où une très étrange trappe d’évacuation a été placée depuis quelques semaines. Puis à la GAD, où la galerie d’art a laissé sa place à un bureau de recrutement pour l’ONU. A l’instar des logos, les panneaux sonnent juste, suffisamment pour se faire vandaliser, et c’est tant mieux ! Car ce que nous vend l’Azurance de la rue Jean de Bernardy, au slogan qui claque comme une promesse de candidat FN (« Notre vigilance est votre survie »), c’est plus de surveillance, plus de sécurité, plus de protection, au nom du sacro-saint principe de précaution. Bref, un peu plus d’un monde qui nous effraie pour mieux nous endormir, en créant la promesse d’un danger fabriqué de toutes pièces et distillé par les pouvoirs dénoncés par Bernard Stiegler, principalement les médias et le marketing. L’œuvre se présente comme une stratégie d’évacuation si les choses se gâtent, une trappe qui donne accès à un toboggan. Ce dernier nous mènerait en zone sûre, un pseudo refuge souterrain, ambiance Armée des douze singes, pour vivre cachés et donc heureux… Les conditions d’utilisation de ce système d’évacuation se lisent sur un mode d’emploi, dans lequel tout est scrupuleusement expliqué, assez pour que certains y croient. Réconfort ou malaise, les sentiments induits par ce dispositif résument toute l’œuvre de Gilles Desplanques.
L’artiste mystifie ces deux espaces comme il mystifie nos peurs, créant des fictions qui mettent en scène nos névroses et toutes les manœuvres commerciales, politiques et cyniques en filigrane… Et si l’envie vous prenait de signer la charte d’engagement pour devenir casque bleu, ne vous attardez pas devant la vidéo montrée à l’intérieur de la galerie d’Arnaud Deschin, où l’engagement semble aussi casse-gueule que les petites billes que Matthieu Clainchard a laissées sur le sol. L’association entre les deux artistes, outre la Brown Box, œuvre collective en extérieur de la galerie, se pose là. Un casque bleu à Mont-Dauphin montre la brève histoire des déboires d’un soldat de l’ONU oublié dans une ville fortifiée, qui nous rappelle qu’on est bien peu de chose…
Céline Ghisleri
Gilles Desplanques – Azurances : jusqu’au 12/04 à Diagonale 61 (61 rue Jean de Bernardy, 1er).
Rens. 09 52 52 12 79 / www.techne.marseille.com
Gilles Desplanques feat. Matthieu Clainchard : jusqu’au 22/03 à la GAD (34 rue Espérandieu, 1er).
Rens. 06 75 67 20 96 / www.lagad.eu
Pour en (sa)voir plus : www.gillesdesplanques.com
Rens. 06 75 67 20 96 / www.lagad.eu
Pour en (sa)voir plus : www.gillesdesplanques.com
Notes
- Projet dont le principe consiste à retourner la peau d’un bâtiment comme une pelure d’orange pour construire une maison accrochée à la façade qui l’a générée : www.journalventilo.fr/2011/10/25/identites-remarquables-ateliers-de-leuromediterranee-marseille-provence-2013/[↩]