Guy Limone – Entre Nous aux Ateliers d’Artistes de la Ville de Marseille

Guy Limone – Entre Nous aux Ateliers d’Artistes de la Ville de Marseille

Limone, un zeste

Surnommé « l’artiste statisticien », Guy Limone affiche ses couleurs aux Ateliers Boisson. Répondant à l’invitation de l’association du Château de Servière, il nous convie à un tête-à-tête, juste Entre Nous

Expo-Guy-Limone.jpg« En 2006 la chine produisait 38 % de la production mondiale de charbon ! » Entre cet énoncé aux accents dramatiques et les petites figurines alignées en rang d’oignons, on ressent comme un décalage en pénétrant dans l’univers ironique de Guy Limone. Rire du banal, sourire du grave nous ramène vers ce à quoi nous devenons imperméables : l’échange.
Dans la série des statistiques, les personnages en plastique sont moins là pour illustrer le douloureux constat énoncé par le titre que pour nous rappeler à quel point il est difficile de retrouver l’individu perdu dans la masse. Individus minuscules et anonymes qui s’animent en bandeaux, triés par couleurs, par âges ou par accessoires… Si, pour évaluer le monde, Guy Limone a souvent recours à des outils de mesure sociologiques un peu barbares — sondages, statistiques, densité —, l’incongruité entre le fond et la forme sert sa démarche. Entre nous nous interroge sur nous-même mais surtout sur les autres. Ceux qui ne sont pas comme nous, mais qui pour autant ne s’avèrent pas très différents.
Pour la première fois, Guy Limone montre les vidéos issues de ses « collaborations » avec des publics captifs. Depuis longtemps, l’artiste sonde les pensées de l’autre, ses images, ses représentations, ses paradigmes. Ces collaborations où l’artiste se met en retrait et laisse la part créative à l’autre font pourtant partie de son œuvre et de sa recherche. Elles renvoient inlassablement aux mêmes préoccupations : sociales, sociologiques, humaines et artistiques. Quel est le rôle des artistes ? A quoi l’art peut-il leur servir ?
La vidéo Du jaune, du jaune, du jaune, dans laquelle l’artiste tente de réhabiliter cette couleur dans l’histoire de l’art, illustre les questions formelles de son œuvre. Car Guy Limone est peintre même s’il n’a plus touché un pinceau ou un châssis depuis longtemps. La couleur reste, dit-il, sa règle de base. Le peintre s’est posé les mêmes problématiques que l’art dans les années 60 autour du support, de la forme, du plan ou de l’espace, de la couleur, pour arriver aux mêmes conclusions que Franck Stella (1) : la forme couleur. Malgré un goût pour l’anecdote, on sent chez Guy Limone un sérieux penchant pour l’art minimal, rattachant son travail à celui d’un François Morellet (2). Un goût similaire pour les titres facétieux (Répartition aléatoire de 40 000 carrés, 50 % gris clairs 50 % oranges), un évident sens de l’humour, une affection pour les chiffres auxquels on peut faire dire tout et n’importe quoi, mais qui paradoxalement restent nos repères les plus précis.
De Tony Cragg à Morellet en passant par les accumulations des nouveaux réalistes, Guy Limone pioche dans l’Histoire de l’art et y apporte sa touche. Trop rarement à Marseille peut-être.

Céline Ghisleri

Guy Limone – Entre Nous : jusqu’au 20/12 aux Ateliers d’Artistes de la Ville de Marseille (11-19 Bd Boisson, 4e). Rens. 04 91 85 42 78

Notes
  1. Artiste peintre américain, considéré comme un précurseur du minimalisme ainsi qu’un des principaux représentants de l’Op Art avec Joseph Albers.[]
  2. Artiste contemporain français, peintre, graveur et sculpteur, considéré comme l’un des acteurs majeurs de l’abstraction géométrique de la seconde moitié du XXe siècle et un précurseur du minimalisme.[]