Haïti, seul peuple de peintres à l’Espace Culture
Pour qu’Haïti reprenne des couleurs
Si l’expo-vente Haïti, seul peuple de peintres présentée à l’Espace Culture (et prévue bien avant le séisme) a pour toile de fond une très bonne cause — financer la reconstruction d’établissements scolaires —, elle offre aussi et surtout l’opportunité de découvrir un art riche et singulier.
« Colorée », « joyeuse », « luxuriante »… : les adjectifs fusent au premier étage du 42 de la Canebière. En ce mercredi 17 février, l’Espace Culture fait le plein pour le vernissage de l’expo Haïti, seul peuple de peintres. Avant même le début « officiel » de l’exposition, quelques habitués, des collectionneurs, sont passés dans l’après-midi. S’ils n’ont encore rien emporté, ils ont laissé leur marque, un petit rond rouge fixé en bas du cadre. L’œuvre de Pierre-Louis Prosper, Les Marassas, fait partie de ces peintures réservées. Une vaste toile, un bleu profond et des jumeaux symbolisant les esprits, l’un des thèmes récurrents de la religion vaudou.
Les fonds récoltés par cette vente initiée par l’Association Pour la promotion des arts du monde iront à la reconstruction d’établissements scolaires en Haïti, mais le public présent n’oublie pas la portée des œuvres exposées. Naïve, portraitiste, historique ou « spiritualiste », la peinture haïtienne fait appel à l’imaginaire. « Rien n’est jamais vraiment réel dans ces peintures, confirme Michèle Paris, membre de l’AMAP, les peintres haïtiens ne copient pas. »
Le ciel est rose, la jungle d’Emmanuel Joseph ou d’Abott Bonhomme est belle et luxuriante, idéalisée, comme les scènes de la vie quotidienne dessinées par Jean-Claude Blanc. On ne peint pas la misère en Haïti, mais on la devine. Derrière l’explosion de couleurs, derrière la gaieté apparente, les maisons sont branlantes et les musiciens flageolants. L’œuvre de Joseph Raynald, Les Musiciens de Kenskoff, fait tanguer et laisse une curieuse impression de déséquilibre. Déséquilibre qui, bizarrement, ramène à la réalité haïtienne, celle de l’un des pays les plus pauvres du monde. On fait du beau avec du vieux aussi. Du recyclage avant l’heure avec les « fer bidons » sculptés dans des fonds et des couvercles de bidons de fioul, « découpés au burin pointu, retravaillés et décorés avec de la peinture pour carrosserie de voiture », rapporte Jacques Godard, l’un des membres de l’Association.
Les œuvres présentées ici font partie des quelque 450 achetées chaque année par l’Association pour financer trois établissements scolaires haïtiens. Le jour du vernissage, par amour de l’Art et/ ou pour la bonne cause, 23 œuvres vendues « quatre à cinq fois moins cher que dans les galeries parisiennes » selon la présidente de l’APAM Marie-Françoise Matouk, ont trouvé preneur. En guise de consolation pour les non acquéreurs, l’Association a programmé deux conférences sur les thèmes « Haïti : l’histoire, le créole, le vaudou » (par Jacques Godard, le 19) et « L’art haïtien », par Michèle Paris, ce mercredi 24.
Elise Pinsson
Haïti, seul peuple de peintres : jusqu’au 27/02 à l’Espace Culture (42 la Canebière, 1er).
Rens. 04 96 11 04 60 / http://www.espaceculture.net/ / http://assoc.wanadoo.fr/apam-haitï