Hamlet à l’Opéra de Marseille

Hamlet à l’Opéra de Marseille

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Un Hamlet aux petits oignons

Magnifique clôture de saison à l’Opéra avec une nouvelle production d’Hamlet, l’une des œuvres majeures d’Ambroise Thomas.

C’est la règle du jeu : la création n’est pas qu’une affaire d’inspiration, mais aussi de contingences. Cet opéra n’échappe pas à la règle, modifié en 1868 jusque dans sa composition par les exigences d’Emile Perrin, alors Directeur de l’Opéra de Paris, qui imposa la réécriture du rôle titre — pour baryton plutôt que ténor — et l’ajout d’un ballet au quatrième acte.
Autre temps et autres contingences : aujourd’hui, le ballet a disparu, l’onde pure dans laquelle Ophélie se glisse pour mourir sous l’emprise d’une folie douce est devenue une baignoire et le décor est devenu quasiment unique.
Il n’en reste pas moins que l’œuvre, à prendre en tant que telle tant elle s’éloigne de l’original par ses libertés d’adaptation, se révèle d’une densité sans faille dans l’orchestration et la conduite du drame. Elle comporte quelques pages musicales ou chantées tout à fait prodigieuses et touchantes, dont le sommet est bien sûr la scène déjà citée de La folie d’Ophélie, qui vaudra à Patricia Ciofi — et à l’orchestre — de longs applaudissements. Citons aussi la longue étreinte entre Ophélie et Hamlet, le duo Doute de la lumière…, ainsi que la chanson d’Hamlet Ô vin dissipe ma tristesse… La relative déception concerne le décor, trop vertical et manquant singulièrement de profondeur. Il rajoute à l’atmosphère oppressante installée par l’orchestration de cette œuvre où tous les personnages sont acculés, que ce soit à la vengeance (Hamlet), au repentir (sa mère Gertrude), à la folie (sa fiancée Ophélie) ou encore à la mort (son oncle Claudius, assassin du père d’Hamlet). La mise en scène vient d’ailleurs chercher dans la salle l’espace qui lui manque sur scène. Au chapitre des réserves, le face-à-face « moralisateur » entre Hamlet et sa mère s’avère un peu outrancier, agitant les chaînes d’un sado-masochisme latent qui ne s’imposait pas.
Ce qui s’impose, en revanche, c’est la constance de l’Opéra municipal à monter, saison après saison — et en dépit des contingences ! —, des programmes de très grande qualité, variant les plaisirs d’œuvres connues et reconnues avec les redécouvertes précieuses, dont cet Hamlet fait assurément partie.

Texte : Frédéric Marty
Photo : Christian Dresse

Hamlet : jusqu’au 6/06 à l’Opéra de Marseille (2 rue Molière, 1er). Rens. 04 91 55 11 10