Harragas – (France/Algérie – 1h35) de Merzak Allouache avec Nabil Asli, Lamia Boussekine…
Matière inflammable
Quel dommage ! Comment Merzak Allouache a-t-il pu passer à ce point à côté de son sujet ?
Il tenait là une matière de cinéma à la fois dense, esthétisante et d’une brûlante actualité. La traversée clandestine en bateau d’un groupe de jeunes Algériens vers l’Espagne se prêtait vraiment à un beau récit, à une épopée à la fois tragique et politique dont on pourra au final seulement louer les intentions. Peut-être aurait-il dû se passer de cette voix-off encombrante dès le début du récit dont on attend l’extinction pour entrer réellement dans le présent d’un cinéma que tout ici impose. On doit aussi souligner — et c’est bien triste — l’interprétation plus que moyenne et surtout l’incapacité du cinéaste algérien à mettre en scène d’une manière fluide et réaliste les moindres échanges entre les personnages. Pour un film ancré dans le réel, l’artificiel fait tache ! On pourrait continuer ainsi longtemps, en évoquant par exemple la bifurcation scénaristique que le réalisateur cherche à faire prendre à son film en son milieu, faisant apparaître à l’écran un nouveau personnage bien étrange comme un magicien un peu pataud ferait apparaître un lapin en peluche du fond de son chapeau. Sur un autre sujet que celui de ces « harragas » (les brûleurs en VF, à savoir ceux qui veulent quitter le bled sans laisser de traces), on aurait peut-être été moins sensibles à toutes ces approximations ; un film raté sur un sujet plus ou moins inintéressant ne laisse guère de regrets. Ici, on regrette vraiment que le film n’ait pas su allumer cette matière incandescente.
nas/im