Harvey Milk – (USA – 2h) de Gus Van Sant avec Sean Penn, James Franco, Josh Brolin…
Milky way
S’il fallait (encore) une preuve de la grandeur du cinéma de Gus Van Sant, Harvey Milk en constituerait une lumineuse. Par sa capacité à étonner, d’abord, en passant soudainement des rives du cinéma expérimental à celles, plus balisées, du biopic. Non que Van Sant ne nous ait habitué aux brusques changements d’axe (il fût jadis roi du cinéma « indé » avec My own private Idaho, avant de se métamorphoser en brillant storyteller hollywoodien pour Will Hunting), mais son œuvre semble à chaque fois se ressourcer tout en suivant une ligne claire. Sous ses dehors d’habile célébration d’une icône gay, Harvey Milk cache donc bien son jeu. L’objet du cinéma de Van Sant n’a pas changé, ce dernier opus poussant encore plus loin l’esthétique du miroir entamée explicitement avec Psycho. Le programme du film tient en un seul plan, limpide et décliné sous diverses formes. Harvey Milk vient de perdre une bataille électorale et regarde par la fenêtre s’agiter la foule des homos dépités. A ce moment précis, la vitre reflète autant son visage que celui des militants. La belle vérité du film est là : Milk est dans l’attraction pure (la scène de drague inaugurale en constitue un bel exemple), il pratique la politique sur le mode de la transparence la plus totale. Tout comme le « bon » Will Hunting, les ados d’Elephant, ou le skateur de Paranoid park, il est une surface sur laquelle la caméra glisse sans jamais livrer de réponses prédigérées. Et ce saisissant effet de miroir, renforcé par la prestation mimétique de Sean Penn, achève de faire de ce superbe faux-biopic un des jalons les plus accomplis dans l’œuvre phénoménale de Gus Van Sant.
Romain Carlioz