<em>Henri IV le bien-aimé</em> au Théâtre du Gymnase
Le cheval (black) blanc (beur) d’Henri IV
Tenant à la fois de l’ode à la tolérance et de l’évocation historique, la pièce écrite et mise en scène par Daniel Colas tient son pari. Durant plus de deux heures, un souverain impétueux campé par l’extraordinaire Jean-François Balmer nous tient en haleine, tandis que nous revivons les grandes heures du règne d’Henri IV et que nous assistons à sa dernière passion.
Blanchi mais puissant, Henri IV est, à la fin de son règne, tout autant préoccupé par le maintien de la paix entre les diverses communautés du royaume que par sa passion pour une toute jeune femme. Le souverain, qui signa le fameux édit de Nantes autorisant la liberté de culte, est pris entre les scènes d’une épouse légitime (mais trompée) soucieuse de son sacre, les tensions qui couvent dans son royaume et le désir amoureux qui le tenaille. Jean-François Balmer, majestueux à souhait et drôle tout à la fois, tempête, martèle la scène et étonne par sa lucidité (« Lorsque l’on cherche le juste milieu, l’on exaspère les extrêmes ») ou tranche (« Ce n’est que dans le respect et la tolérance que les hommes pourront un jour vivre dans la paix »). Le microcosme des coulisses du pouvoir au plus haut niveau est croqué ici avec humour : abbés de cour, favoris, femmes manipulatrices et (trop) complaisantes, intrigants… « A cette altitude-là, on ne croise plus un seul regard ingénu, on n’entend plus une seule parole vraie, on n’est plus l’objet d’un seul sentiment désintéressé », assure dans ses mémoires Madame de Maintenon, qui fut la dernière compagne puis épouse légitime de Louis XIV, petit-fils dudit Henri IV. Et l’on a aussi envie de s’écrier « Le roi se meurt ! » car ce phénix alerte, préoccupé de galanterie, est un vibrant hommage aux rois de théâtre, à ces monarques éphémères et grimés qui, de Shakespeare à Ionesco, rappellent sous les lumières artificielles la nécessaire vigilance à observer envers ceux qui nous gouvernent. Questionner les mécanismes du pouvoir, se remémorer que les lois faites par des hommes doivent l’être pour les hommes, est définitivement un enjeu crucial à toute époque et tombe à pic en cette saison d’agitation politique. Divertissant et pénétrant, comique mais consistant et touchant, éblouissant par son évocation historique, ce bien-aimé porte décidément très bien son qualificatif.
Texte : Bénédicte Jouve
Photo : Bernard Richebe-ATAA
Henri IV le bien-aimé était présenté au Théâtre du Gymnase du 29/05 au 9/06