Hommage à Vilmos Zsigmond à l’Institut de l’Image à Aix-en-Provence
Smooth opérateur
A l’occasion de la sortie d’un documentaire sur le génial chef opérateur Vilmos Zsigmond, l’Institut de l’image revient, le temps d’un week-end, sur la carrière de l’artiste avec trois films emblématiques de sa période faste des années 70.
La politique des auteurs, concept sorti du chapeau des Cahiers du cinéma au cœur des années 50, a mis sur un piédestal le réalisateur, passant ainsi du rôle ingrat d’artisan du cinéma à celui d’artiste à part entière, seul dépositaire du style de ses films. Cette notion abstraite a pris soin d’enlever abusivement tout le caractère profondément collectif de la création cinématographique. Pourtant, parmi toutes les petites mains travaillant avec acharnement à la gloire du tout-puissant cinéaste, le chef opérateur reste un rouage essentiel dans la composition esthétique du film. Main dans la main avec le réalisateur, il garde pendant le tournage de chaque scène l’œil sur l’écran qui retransmet en direct ce qui se filme, place la lumière et choisit la focale fabricant ainsi le cadre, enjeu fondamental de la création. Il rend effectif, à l’aide des moyens techniques, ce que le réalisateur a dans la tête en termes d’images. En osmose directe avec le cinéaste, sa sensibilité constitue ainsi une part importante de la mise en scène esthétique.
Ce long préambule pour tenter d’expliquer tout ce que le cinéma moderne américain doit au talent et à la sensibilité de Vilmos Zsigmond, travailleur de l’ombre au cœur de la révolution esthétique des années 70, que Peter Biskind nomma le Nouvel Hollywood. Né en Hongrie, il émigre aux États-Unis en 1956 pour fuir la répression qui suit l’insurrection populaire et débute au cinéma avec Robert Altman en 1970 dans John McCabe. Un an après avoir dézingué le film de guerre avec M.A.S.H, Altman signe un anti-western qui porte nombre des motifs de cette révolution esthétique en marche : anti-héros, moralité licencieuse, critique sociale… Vilmos Zsigmond donne à ce drame mélancolique une couleur jaunie troublée de reflets chatoyants sur de longs panoramiques. Une image immédiatement reconnaissable que l’on retrouvera dans son travail auprès de Michael Cimino dans Voyage au bout de l’enfer et La Porte du Paradis ou dans le Délivrance de John Boorman. Car à partir de cette collaboration, Zsigmond deviendra le chef op’ attitré de la déferlante Nouvel Hollywood qui redéfinira pour toujours le cinéma américain, obsédé par la perte des illusions dans le bouillonnement créatif qui électrise cette génération. Il croisera alors la route de Schatzberg, Scorsese ou Spielberg. Mais c’est avec Brian de Palma que son style va encore créer un précédent esthétique, passant d’un chatoiement ocré et sableux à ces teintes bleutées empreintes de fébrilité qu’on retrouve dans Blow Out ou Obsession. Un maître des formes méconnu, disparu en 2016, à qui l’Institut de l’Image rend un hommage amplement mérité.
Daniel Ouannou
Hommage à Vilmos Zsigmond : du 24 au 27 février à l’Institut de l’Image à Aix-en-Provence.
Rens. : 04 42 26 81 82 / www.institut-image.org
Le programme complet du week-end hommage à Vilmos Zsigmond