Hors Lits à Marseille
Jeunes gens cherchent appartement
Hors Lits, c’est une invitation à se laisser prendre par la main pour mieux déambuler dans le centre-ville et découvrir des intérieurs et des personnes qui transforment l’espace habité avec le corps, la parole, la musique, à la manière d’un design organique où ce qui s’achète est à prix unique.
Oui, le commerce équitable peut s’appliquer à l’art. On l’a souvent dit ici, l’art contemporain suit la courbe des pays industrialisés. Mais la croissance, ce n’est pas qu’une affaire de profits, c’est aussi une mutation relationnelle qui offre de nouvelles perspectives d’échange et de mutualisation des services. La manifestation Hors Lits est née en 2005 à Montpellier à l’initiative d’un danseur et chorégraphe chilien, Léonardo Montecchia, qui a souhaité inventer un parcours extérieur aux institutions et aux demandes de subventions pour permettre à une nouvelle génération d’artistes de s’exprimer. Chez Hors Lits, l’argent circule en liquide et ne laisse pas de traces. A la manière d’une fête que l’on organise chez soi, il suffit de contracter une assurance privée et de s’autoriser tous les possibles. Un groupe de vingt-cinq personnes est donc invité à investir quatre appartements le temps de quatre créations. Une feuille de chambre est imprimée pour chaque manifestation, l’habitant pouvant être intégré dans la performance et les spectateurs confinés dans une cuisine, car le point de vue négocie la forme. De par la légèreté d’organisation et le refus de l’obligation de résultat, Hors Lits est clairement l’endroit où l’on peut rêver d’une autre vie et transposer ce rêve dans la réalité. Le public sera enthousiaste ou profondément déçu, mais il en parle, et par cette parole, il valide l’existence d’une proposition. C’est donc sur l’effet du multiple que se développe Hors Lits, agrandissant inévitablement son réseau par l’effet boule de neige du bouche à oreille et de la toile. Après Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Marseille, Hors Lits s’invite en Suisse, en Belgique, au Chili. L’artiste désireux d’y participer se doit d’abord de venir en tant que spectateur, et en payant sa place (10 euros), il participe à la pérennité du projet. On le voit bien, Hors Lits est une machine huilée et extrêmement bien pensée où les participants sont indirectement les mécènes d’un label dont les seules traces existantes sont l’évocation d’un souvenir, d’un moment partagé dans l’anonymat du centre-ville.
Karim Grandi-Baupain