A trente-sept ans, Katerine rencontre enfin le succès qui lui est dû, en marge plutôt qu’au sein d’une scène chanson dont il est l’un des plus brillants artificiers. Tentative d’analyse du phénomène, bien loin de l’image de gentil fou qu’il véhicule
A trente-sept ans, Katerine rencontre enfin le succès qui lui est dû, en marge plutôt qu’au sein d’une scène chanson dont il est l’un des plus brillants artificiers. Tentative d’analyse du phénomène, bien loin de l’image de gentil fou qu’il véhicule
« Je fais de ma vie un chef d’œuvre / Que l’on visite pour cent francs / Tous les deux ou trois ans » (Mort à la poésie). S’il est difficile de cerner le « vrai » Philippe Katerine, tout du long d’une discographie pour le moins éclatée (dont on serait bien en peine de tirer quelconque sommet), c’est que celle-ci s’appréhende sur la longueur – un tout bien supérieur à la somme de ses éléments. Seule certitude : le Vendéen, poète lunaire et désinvolte, ne fait rien comme tout le monde, et encore moins comme les suppôts de la « nouvelle chanson française » – à laquelle les néophytes auraient pu l’associer au vu de son récent triomphe. Non : Katerine est ailleurs… C’est qu’avant de poser en sous-pull mauve et slip taille 1, de jouer les folles sous amphétamines sur un album plus grave qu’il n’y paraît[1] comme sur les scènes en formation serrée (avec la « Secte Machine » a.k.a The Little Rabbits), ce garçon délicat s’est longtemps cherché, tant professionnellement qu’artistiquement, sans pour autant donner l’impression de s’être enfin trouvé. Tant mieux : la part d’enfance qui réside en lui transpire de son œuvre, et révèle un univers à nul autre pareil où, derrière un non-sens de façade, s’entrelacent les angoisses du monde moderne, une sensibilité d’ado rebelle et une franche obsession pour le septième art. A commencer par la Nouvelle Vague, dont les échos 60’s baigneront ses trois premiers albums (cf. les fameuses Mauvaises fréquentations pré-Tricatel), ce qui lui vaudra un joli succès au Japon avant que la logique ne le pousse à écrire pour Anna Karina (quand ce n’est pas pour sa femme, la délicieuse Helena Noguerra). Déclic décisif s’il en fut : depuis, Katerine a enchaîné successivement les scores, les apparitions à l’écran et enfin la réalisation (son très personnel Peau de cochon bénéficie enfin, et à raison, d’une distribution décente). Mais quitte à parler de déclic, autant pointer celui qui, au mi-temps de sa carrière (1999), le voyait pour la première fois se mettre à poil – au propre comme au figuré – avec ce double album courageux et surréaliste : Les créatures et L’homme à trois mains. « Sentimentalement démissionnaire, professionnellement suicidaire », le chanteur à l’image policée y larguait les amarres comme rarement, tout en écriture automatique et pulsions free (sa rencontre avec les Recyclers), point de départ d’une nouvelle aventure sur les terres avariées de la variété. Après l’épisode 8e Ciel, poésie en roue libre et aquarelles psyché, on voit aujourd’hui ce que ça donne : un gusse en plein retour de gym tonic, tellement obsédé par les numéros qu’il en viendrait presque à bosser pour les Pages Jaunes. Mais ça nous change de Bénabar, non ?
PLX
Le 12 au Moulin, 20h30. Rens. 04 91 06 33 94
www.katerine.net
Notes
[1] Dans les bacs : Robots après tout