Le festival Les musiques aime la danse parce qu’elle épouse le son comme un gant. Fractie, est une pièce courte de Cindy Van Acker , une étude sur les possibilités du corps.s… (lire la suite)
Le festival Les musiques aime la danse parce qu’elle épouse le son comme un gant. Fractie, est une pièce courte de Cindy Van Acker , une étude sur les possibilités du corps.s
Cindy Van Acker se présente seule, d’abord en longeant la scène, puis face au public, la voilà rejoignant le centre. Elle est nue, culotte couleur chair, jambière couleur chair, elle est pâle, mince, peut-être grande, c’est du moins ce qui nous apparaît. La poitrine est dénudée, les cheveux courts, pas d’artifice, pas de scène, juste un côté cour et un côté jardin, sa pâleur sur fond noir. Rapidement elle se pose sur le sol. A côté d’elle, un minuteur inscrit ce qui va suivre dans un temps précis. Les bras et les mains se fixent dans le sol et voilà le reste du corps qui tente des variations possibles autour de l’immobilité des membres supérieurs. Etonnante souplesse des articulations, les jambes et le buste se glissent et se dégagent dans l’espace qui leur reste ; la tête souvent baissée dialogue avec la proximité du sol. On découvre sous la peau tout ce qui compose le corps, la colonne, les deltoïdes, le bassin qui se vrille. Ici pas de boîte, ni de cage, on est loin de la femme papillon de la foire du Trône, mais la gestuelle et les contraintes nous en rapprochent. Au-delà de cette souplesse, que cherche à nous dire Cindy Van Acker ? Peut-être que la danse, le propre du bougé et de la diagonale, peut se jouer sur une fixité, sur un point A et un point B, comme une règle arithmétique que l’on devine en petit, sérigraphiée sur le sol ou sur la jambe. Nul besoin d’envahir l’espace, de se cogner à la rencontre de l’autre ; nul besoin de chercher un synopsis et des valeurs de demi-pointe. Ici, sur une portion restreinte, je me lâche et je réfléchis à ce qui est encore possible, recommençant et décousant à l’infini, le roulement du corps, par de minuscules variations d’appuis : les mains, les coudes, un genou, parfois la tête. Le visage ne joue pas, le rictus est absent. Ce qui est permanent, c’est la blancheur de la peau, le jeu de l’articulation sur le jeu des accords du son. A la manière du rythme des lignes chez Sol le Witt, qui a su démontrer qu’un demi-siècle n’était pas assez pour voir le bout des choses, Cindy Van Acker nous montre qu’être bien dans son corps, c’est exister avec peu en se faufilant dans trois fois rien. Je trouve une place à l’écart et je m’occupe de mon affaire, sans importuner, dans le temps, tout en patience, parce qu’on finira par me regarder. Maintenant, elle se relève, elle avance vers le public, elle le regarde avec un certain détachement, puis elle s’en va. Cindy Van Acker écrit la qualité d’une présence et c’est déjà beaucoup.
Texte : Karim Grandi-Baupain
Photo : Isabelle Meister
Fractie était présenté le 13 à la Friche la Belle de Mai