I Don't Want to Sleep Alone – (Taïwan/France/Autriche – 1h58) de Tsai Ming-liang avec Lee Kang-sheng, Chen Shi-zheng…
A ceux qui pensait que Tarantino et son épisode 80’s de Sheriff, fait moi peur était un sommet de maîtrise rythmique et de gestion du temps, je promets des lendemains difficiles : évitez d’aller au cinéma…
Ohé ? Y a quelqu’un ?
A ceux qui pensait que Tarantino et son épisode 80’s de Sheriff, fait moi peur était un sommet de maîtrise rythmique et de gestion du temps, je promets des lendemains difficiles : évitez d’aller au cinéma de nos jours car vous risquez de prendre une claque. Hors du petit écran, en effet, les barrières de genres se sont finalement effondrées pour qu’enfin libéré, le septième art rattrape son siècle de retard et finisse par en devenir un. Ainsi, l’unique possibilité « art et essais », qui rassemblait latinos naïfs — chiants — et pellicules grises polono-russes, se fait aujourd’hui exploser par la multitude d’offres mondiales : ambiance, scotchage, expérience, métaphore, contemplation, psycho-géographie, étirement jusqu’à l’éternité… Bref, plus besoin de drogue. De Santiago du Chili à Oulan-Bator, pas une semaine sans que sorte un OVNI mettant à mal tout Français — très — tenté par la question « Alors, c’était bien ou c’était nul ? ». Réponse : « Ben… ». Exemple : c’est dimanche, il fait pas beau et, histoire de croiser le regard de la guichetière, je vais voir le seul film de 22 heures — dans lequel ne joue pas Louis Garrel. Réalisateur : inconnu. Nationalité : inconnue. Acteurs : inconnus. Action : inconnue. Propos : inconnu. Avis après le film : inconnu. Même entre eux, les protagonistes ne se connaissent pas et ne parlent pas la même langue, ce qui limite rapidement la communication. Le tout, dans un décor urbain de première catégorie : un chantier inondé, une ville asiatique nocturne où le niveau de vie flirte avec « pas grand-chose », un resto/appart où siège une famille que l’on constate dé-com-po-sée. Dans une nuit de néons ou à l’ombre bleue du béton, quelques habitants sauvages s’approchent, s’effarouchent, se fâchent, mais ne se touchent pas. Seul, le blessé ou le catatonique de la famille ne peut fuir le contact, offrant ainsi son corps aux palpations silencieuses qui font offices d’ersatz de rapport humain. On subit, incapable, le rythme de la convalescence, de la chaleur, de la vieillesse, définitivement tourné sur soi et sans une pensée pour un évènement possible. Jamais ne s’arrêtent les attirances, aimantées mais toujours teigneuses, d’humains en errance que seul l’espoir de la compagnie pousse à se renifler le derrière et, un instant, être moins seul. Bref, la belle vie. Seule évidence en sortant : trouver quelqu’un.
Emmanuel Germond