Last Exit to Marseille, de Guillaume Chérel

Identité Remarquable | Guillaume Chérel auteur de Last Exit to Marseille

Idées noires, encre rouge

 

Journaliste, éducateur, écrivain, Guillaume Chérel se fend son premier roman ayant pour décor la cité phocéenne, Last Exit to Marseille, entre Porte d’Aix, drogue et dialogue avec Izzo. Portrait d’un sacré « coco ».

 

 

L’œil bleu, le teint hâlé, la tignasse aussi grisonnante que frisée, Guillaume Chérel, flirtant avec la cinquantaine et les deux mètres, ne passe pas inaperçu. Mais sait parfaitement se fondre dans le décor. Journaliste, éducateur, écrivain, c’est un peu son métier. Et c’est sans difficulté que ce grand escogriffe à la langue bien pendue et à la plume alerte a su faire son trou à Marseille, où il a posé ses valises il y a quelques années.

Quelques jours après nous avoir confié son dernier livre, Last Exit to Marseille, aux Maraîchers, ce bar qu’affectionnait, nous rappelle-t-il, Jean-Claude Izzo, quand on le retrouve au Bar de la Plaine, il ne nous cache pas qu’il est « un peu fatigué ». La veille, il a démissionné de son boulot d’éduc’ dans les quartiers nord : « Ce ne sont pas les habitants mais les collègues qui m’ont saoulé. Et, alors qu’on manque de moyens, on nous demande de remplir des tableaux. Or, notre boulot, c’est être sur le terrain ! »

Et puis Guillaume habite Porte d’Aix, « dans un logement insalubre. Avec les souris, les cafards… J’ai subi une inondation, j’ai cru que le plafond allait me tomber dessus. J’ai quitté Paris parce que j’en avais marre de la capitale, mais là, putain, j’ai froid », confie celui qui ne se fera pas prier pour prolonger l’interview au soleil au Jean Jaurès. Un autre bar où il a ses habitudes. Normal pour un ancien de l’Huma et qui, lui, a « eu la chance d’avoir des parents communistes ». Sans toutefois être encarté : « Le soir, à la Fête de l’Huma, bourré, j’adhérais et le lendemain, je démissionnais. Je suis plus anar ou pirate dans l’âme. Mon emblème, c’est la tête de mort du club de foot Sankt Pauli ! »

Derrière la tchatche, la fatigue, que l’on sent affleurer dans Last Exit to Marseille, un polar où un « détective public » veut retrouver ceux qui sont derrière l’héroïne avec laquelle un de ses amis vient de faire une overdose. « J’ai été marqué par le décès de ma mère et depuis, j’ai l’impression d’être entouré par la mort. » En tête, la perte d’un ami, le correcteur et éditeur Marc Tomsin. Mais aussi « une personne qui, dans une soirée, sans qu’on s’en rende compte, a fait une overdose. » D’où cette enquête dans laquelle le héros cherche de l’aide en s’adressant à… Izzo !

Diantre ! Un polar, à Marseille, sur un trafic de drogues avec, en filigrane, Izzo… Le terrain, bien labouré, pourrait s’avérer glissant. Mais, s’étant déjà attaqué à Kerouac, Hemingway et London, Chérel craint « dégun » !

« Plutôt que de shit, j’ai préféré évoquer l’héroïne. Une manière de rendre hommage à French Connection. L’intrigue faussement policière, c’est un prétexte pour dresser un portrait de Marseille vingt ans après la mort d’Izzo. » Portrait mi-figue mi-raisin où notre néo-Marseillais dit autant son amour pour la cité phocéenne que le dépit qu’elle lui inspire.

Né à Bagnolet, Guillaume Chérel s’était fait remarquer avec son roman Les Enfants rouges : « J’évoquais déjà ceux que j’appelais les “gremlins”, le trafic… Last exit to Marseille, c’est la suite. D’un côté, Marseille se gentrifie. Mais, de l’autre, elle se paupérise. Et on ne peut pas dire que je ne sais pas de quoi je parle. J’habite Porte d’Aix, j’ai bossé à Air Bel… Quant à l’arrivée de la gauche, même si j’ai voté pour, on ne peut pas dire que cela ait changé grand-chose. À l’image de cette élue du Printemps marseillais qui s’enorgueillit de donner à manger aux SDF dans sa rue… »

Le regard est sombre mais pas désespéré, en témoigne la chute, à plus d’un titre, de son roman, où il puise autant dans son vécu que dans la presse locale, avec un goût certain pour la rubrique « faits divers ». Au risque de faire diversion ? « Il n’y a aucune ambiguïté. Comme mon personnage, je suis communiste tendance Pif Gadget, plus proche de Rahan ou Corto Maltese que Fabien Roussel. Mais il n’y a pas à tergiverser. Après le constat, reste le combat. »

Sans surprise, c’est en manif qu’on le repère sans peine. Il ne cache pas néanmoins rêver d’ailleurs. « J’ai vécu à Paris, Toulouse, à La Réunion… Et je me sens attiré par le Pays Basque. Faut dire que j’ai des racines espagnoles. » Il rêve aussi de… « montagne ! J’ai postulé pour être postier en Savoie. Mais avec ce qui se passe à la Poste, pas sûr que ça marche. » En attendant, Guillaume n’en a pas fini avec Marseille : « Avec les histoires glanées, j’ai déjà de quoi écrire la suite. Et je suis déjà en train de préparer le prolongement de mon précédent bouquin où je me moquais du monde du livre. Ca s’appelait Un bon écrivain est un écrivain mort. La suite, ce sera Un bon écrivain est un écrivain fauché » Dont acte.

 

Sébastien Boistel

 

À lire : Last Exit to Marseille, de Guillaume Chérel (Éditions Gaussen. 269 pages, 19 euros).

Présentation du livre le 23 mars en fin d’après-midi à la librairie Cultures Obliques (6 rue Édouard Delanglade, 6e).

Rens. : www.culturesobliques.com