Chevrotine de Pierrick Starsky & Nicolas Gaignard

Identité Remarquable | Pierrick Starsky auteur de Chevrotine

Trait portrait

 

Après Macadam Byzance, Pierrick Starsky revient avec une nouvelle BD, Chevrotine. L’occasion de dresser le portrait de ce stakhanoviste du 9e Art, à l’origine de la revue Aaarg ! et des éditions Même pas mal.

 

 

Pierrick Starsky, c’est du lourd ! Un quadra tatoué, trapu et faussement bourru à la voix parfois rocailleuse que l’on a connu des deux côtés des comptoirs de la Plaine. Alors, on est certes en début d’après-midi mais quand, dans un bar du boulevard le plus gentrifié du centre-ville marseillais, il commande, en habitué, une eau pétillante, on est un poil surpris. Comme à la lecture de la BD dont il est l’auteur chez Fluide Glacial : Chevrotine.

Normal que Starsky aime les gros calibres. Mais, dessiné par Nicolas Gaignard, l’album est tout sauf bourrin. Bien sûr, entourée de sa marmaille et vivant dans ce qui ressemble au bayou, Chevrotine, chaînon manquant entre Miss Tic et Huckleberry Finn, a une conception singulière de l’hospitalité et des méthodes sinon expéditives du moins radicales. Toutefois, l’univers se veut suffisamment barré pour qu’on y croise un postier en scooter volant, un cosmonaute en rade, un shérif flanqué d’un crabe particulièrement bavard ou une poétesse au cafard communicatif…

« Chevrotine, ce n’est pas quelque chose que j’ai trouvé tout seul dans ma tête, explique Pierrick. Elle est née de ma rencontre avec Nicolas, le dessinateur. » En tête ? Une de ses illustrations représentant « un personnage féminin avec une chenille géante sur l’épaule. En m’inspirant de son univers graphique, j’ai imaginé Chevrotine, une personne à la fois attachante et indomptable. Avec Nicolas, on a eu envie de faire le grand écart entre Le Génie des Alpages de F’Murr et Miyazaki. On est dans l’absurde, le merveilleux mais il y a aussi de l’humour. »

Pourtant, derrière les aventures de cette drôle de sorcière, il est une thématique étonnamment présente, c’est… la mort ! « Mais Chevrotine la rend presqu’anecdotique. Alors que, pour moi qui ne suis pas croyant, la mort, c’est la grande incompréhension, s’émeut ce quadra qui, il y a un an et demi, a vécu un deuil particulièrement difficile à digérer. »

Après tout, n’a-t-il pas été le pilote d’une revue de BD intitulé Aaarg ! et cofondateur d’une maison d’édition baptisée Même pas mal ? Et d’avouer, après la disparition de la première, avoir fait « un petit burn-out ». Tout en étant « assez admiratif de l’énergie qu’on a déployée. À trois, quatre, on a réussi à abattre le boulot de dix personnes et la seule chose qui nous a manqué, c’est de réussir à faire le buzz pour une revue de BD diffusée malgré tout en France et à l’étranger. » En attendant, Même pas mal a toujours pignon sur rue et, depuis qu’il en est parti, Pierrick se réjouit que ce soit « une maison avec une personnalité forte et une ligne qui lui est propre, bien à elle. Et puis, c’est la famille… »

Une thématique elle aussi bien présente dans Chevrotine. D’ailleurs, Pierrick fait une pause dans l’interview pour répondre au coup de fil de son ado de fiston : « En terminant la BD, il m’a dit, en rigolant, qu’il avait un père un peu taré. Difficile de le contredire… »

Aussi loin qu’il se souvienne, Pierrick a toujours « écrit. Quand j’étais gamin, je voulais faire du cinéma. J’écrivais des scénarios. Mais aussi des chansons. J’écoutais beaucoup Renaud. Et, plus tard, du punk. » Il aura un groupe, fera de la radio (« Une émission qui s’appelait Yaourt et TNT. J’espère qu’il n’y en a plus aucune trace. »), des fanzines. Abandonnera l’école « le jour du bac blanc ». Bossera dans une usine « de la bouffe pour chiens. C’est encore pire que ce qu’on imagine. Je me suis promis de ne jamais y retourner. »

Las, auteur, il doit jongler avec plusieurs jobs : « Je donne des cours, j’anime des ateliers, je fais aussi un peu l’éditeur… Parfois, j’ai l’impression que mon cerveau est une gare de triage. C’est un peu usant ! » Mais ça nourrit son imagination. À l’image de sa précédente BD, Macadam Byzance : « Une sorte d’Affreux, sales et gentils. Des histoires de schlags. Certains ont cru que ça se déroulait à la Plaine. Alors que non. Même si, à traîner dans les bars, on récolte des histoires. Ce qui me plaît, c’est raconter, même quand j’écris pour Siné Mensuel. Plus conteur que journaliste. »

Car Pierrick ne compte plus les projets : « Une autre BD, un roman noir, un polar fantastique… Un recueil de poésie dans lequel je n’avais pas mis le nez depuis longtemps. Comme me l’a conseillé ma psy, je réfléchis à remonter une structure éditoriale. Quelque chose de modeste. Mais ce qui me manque, c’est de faire des trucs… » Quand on vous disait que Pierrick Starsky, c’est du lourd !

 

Sébastien Boistel

 

Dans les bacs : Chevrotine de Pierrick Starsky & Nicolas Gaignard (Fluide Glacial)

 

 


Guitard héros !

 

Marseille accueille, avec deux expos, une figure de la BD et du punk, Thierry Guitard.

 

Disons-le tout net : on n’a pas toujours été fan du trait de Thierry Guitard. Ses dessins, on les a découverts dans les premiers livres publiés par Libertalia et les illustrations accompagnant une nouvelle de Jack London ou un bouquin du spécialiste de la piraterie Marcus Rediker étaient loin, par leur simplicité, de nous convaincre. Presqu’un côté enfantin pour quelqu’un qui, pourtant, a été publié par les Requins Marteaux mais aussi The New Yorker.

Un trait qui va pourtant comme un gant à la biographie qu’il a signée chez Nada et qui retrace ses jeunes années, gamin des cités qui, rétif à toute autorité, découvrira très tôt le punk, la fauche, les paradis artificiels et, sans surprise également, la prison. Derrière un graphisme presque naïf et les couleurs vives, on sent la colère et l’énergie assez bien résumées par le titre de l’ouvrage : Tout ou rien.

D’ailleurs, pour l’accueillir, Marseille ne fait pas les choses à moitié puisque Thierry Guitard sera présent le week-end du 1er avril pour le vernissage de deux expos, l’une chez l’éditeur de BD Même pas mal et l’autre au C4. La première a pour titre Aïe aïe aïe !, la seconde Boum ! Un bon résumé de ce que racontent ses dessins…

 

S.B.

 

Vernissage de l’expo Aïe aïe aïe ! le 1er avril (à partir de 17 heures) aux éditions Même pas mal (4 rue des trois rois, Marseille 6e) et de l’expo Boum ! le 2 avril (à partir 15 heures) au C4 (76 rue des trois frères Barthélémy, Marseille 6e), avec concert de Flo Mekouyensky et Cheap Entertainment.

 

Dans les bacs : Tout ou rien ! de Thierry Guitard (Chez Nada)