Identités remarquables – Ahamada Smis
Des racines et des ailes
Un concert au Toursky, où il réunira tous ses proches collaborateurs et quelques autres, marque ce mois-ci une étape importante pour Ahamada Smis. Petit focus autour de ce Marseillais d’origine comorienne, à l’univers métis.
Une interview avec Ahamada Smis, c’est du pain béni. Nul besoin de le relancer, il vous meuble un entretien du tout début jusqu’à la fin : les questions sont subsidiaires. Au-delà du temps que cela fait gagner aux journalistes, et toute blague mise à part, voilà qui révèle surtout un trait essentiel de sa personnalité artistique : l’énergie avec laquelle il se lance dans mille et un projets, et donc le goût du travail, une vertu qui le pousse à faire tranquillement son chemin au sein de la scène musicale marseillaise, depuis dix ans. Aujourd’hui, son heure est peut-être en passe de sonner : il est programmé au Toursky en novembre, où Richard Martin lui-même interprètera certains de ses textes, lance la seconde édition de son festival Hip Hop Culture en décembre, sortira son premier véritable album (Etre) au printemps prochain, album qui sera suivi par une tournée en juin dans quatre pays d’Afrique. Sans parler des ateliers slam qu’il animera prochainement à l’Afriki Djigui Theatri, de la gestion de sa structure (Colombe Records) et de ses collaborations constantes avec des musiciens et artistes qui sont, en général, issus d’univers très différents… Ahamada Smis ? Un électron libre. Comme Stéphane Leborgne ou Cyril Benhamou, qui sont d’ailleurs des proches, il fait partie de ces musiciens marseillais à la croisée des chemins : parce que leur vision ne s’embarrasse pas des frontières lexicales, mais aussi parce que leurs racines le suggèrent. Comorien d’origine, arrivé à Marseille à l’âge de onze ans, Ahamada s’est très jeune penché sur cette question, essentielle. D’ailleurs, il sait déjà qu’en prélude à l’album qui suivra Etre, il partira sur les traces de ses racines bantoues dans plusieurs pays d’Afrique. Un retour aux sources nécessaire pour celui qui mélange « slam, hip-hop et… roots » (entendez par là musiques du monde) : « Comme un enfant métis, ma musique a diverses origines. Je suis le slammer comorien qui met du hip-hop dans les musiques du monde. En même temps, les gens m’ont collé cette étiquette de slammer, mais je suis plus un conteur. Avec du groove dans ma tête. » L’univers du bonhomme est en effet difficilement étiquetable : ni franchement hip-hop (dont il s’est toujours écarté des canons bling-bling et du discours de révolte), ni vraiment slam (la musique est trop prépondérante), ni totalement « world » (les racines africaines s’effacent ici derrière un groove acoustique aux accents jazz). De fait, Ahamada peut se fondre dans des projets très divers avec une belle aisance, quand ce n’est pas lui qui les lance (le festival Marseille Cosmopolite en 2006, le projet de tournée Nomades Slam l’année suivante, qui a depuis donné nom au groupe de musiciens qui l’accompagnent). Pour ce faire, une seule constante : il faut que le courant passe. « Je travaille avec des gens avec lesquels je me sens bien : ce sont les personnes qui comptent, plus que leur travail en particulier. » Le chemin qu’il emprunte est donc pavé de rencontres humaines, qui détermineront l’évolution de sa carrière artistique. C’est une façon peu commune et plutôt généreuse d’envisager celle-ci. Venant du garçon, le contraire eut été étonnant.
PLX
Le 14 au Théâtre Toursky avec les musiciens de Nomade Slam, Richard Martin, Miqueu Montanaro, Boss One…
Soirée slam de lancement des ateliers à l’Afriki Djigui Theatri, le 29/11
Festival Hip Hop Culture #2, le 2/12 au Balthazar et le 4/12 au Cabaret Aléatoire avec les Jungle Brothers
www.myspace.com/ahamadasmis