Identités Remarquables – Danton Eeprom
L’étoile noire
En anglais dans le texte, on appelle ça un « one to watch ». Traduction : Danton Eeprom, producteur electro marseillais désormais installé à Londres, est aujourd’hui l’un des hommes à suivre sur la scène underground internationale. Il était temps qu’on en parle.
3 février 2006, Cabaret Aléatoire. Les filles de l’asso In The Garage font leur première sortie officielle, et vont puiser dans l’underground berlinois la matière d’un plateau chic, choc, pressenti décadent. Mais ce soir, c’est un artiste local qui va sortir de l’ombre, irrésistiblement attiré par la lumière, celle des projecteurs, celle des regards ébahis par le spectacle qui s’offre à eux : normal, celui-ci fricote déjà avec la scène electro berlinoise, réceptive depuis quelques mois à son travail. Sur scène, une espèce de dandy en costard noir, clope au bec et galure haut de forme, envoie du lourd en maîtrisant vraiment l’espace, empoignant une guitare ou son micro avec mordant – le panache de ceux qui sont faits pour ça. A Marseille, son nom est déjà sur toutes les lèvres : Danton Eeprom… 22 septembre 2007 : clôture du festival Seconde Nature, à la fondation Vasarely. Mondain à mort. Danton Eeprom, toujours, mais quelque chose a changé : le « live » du bonhomme, qui est plus statique et a troqué son chapeau pour de seyantes lunettes carrées, est nettement plus hypnotique, minimal, « druggy » comme on dit chez les initiés. Parfaitement exécuté, toujours assez sombre, il soulève l’enthousiasme avec la même assurance… sérénité ? Oui, quelque chose a changé : son nom est sur toutes les lèvres. Mais cette fois-ci, ce sont celles de Laurent Garnier, Damian Lazarus, Jennifer Cardini ou Dj Morpheus.
Fondations
Si ces noms ne vous disent rien, sachez que ce sont loin d’être des pitres. Certains d’entre eux sont des héros de la scène techno, d’autres font et défont les tendances à venir, puisque aujourd’hui, c’est dans la musique électronique (et ses multiples dérivés) que « ça se passe ». Bref : nous tenons là – et ce n’était plus arrivé depuis les Troublemakers – un artiste susceptible d’attiser les convoitises, de faire converger tous les regards sur le landernau marseillais où les talents existent (Sarah Goldfarb et Copyshop, à titre d’exemple). Ou presque : Danton n’habite plus à Marseille… Il vit à Londres, depuis trois mois. Après avoir fait ses classes à Berlin, la ville de tous les possibles dans ce milieu, il a finalement opté pour la capitale anglaise, épicentre de la nightitude et creuset multiculturel par essence : « J’aime beaucoup Berlin, j’y ai fait des rencontres décisives et c’est là que j’ai commencé à m’intéresser à la « minimale »… Mais je ne voulais pas m’enfermer dans ce créneau. Londres a un côté naturellement plus ouvert sur d’autres styles, j’avais envie de m’imprégner de cette culture pour mes productions. » Après avoir essaimé ces dernières sur un nombre conséquent de labels[1], ce qui est aujourd’hui, outre un gage d’indépendance, monnaie courante puisqu’une excellente façon de se faire connaître, il a récemment fini par créer le sien dans sa nouvelle terre d’accueil, Fondation : « Je ne l’ai pas monté, comme c’est parfois le cas, par dépit : j’ai mes contacts ailleurs… Fondation est pour moi comme un aimant, un outil pour découvrir des artistes avec qui j’ai des affinités. » Ses premières signatures, Brwn Shoes et TG, ont déjà livré deux excellents maxis. Et il ne fait aucun doute qu’un label coté puisse être décisif dans le développement d’un artiste, d’autant que les « bookings »[2] s’enchaînent déjà à une vitesse vertigineuse… Comment donc Julien, pardon, Danton a-t-il pu passer en deux ans du statut de quasi-anonyme à celui de révélation ? La réponse, évidente, tient en un mot : talent. Un talent intimement lié à sa volonté d’aller de l’avant : d’une expérience bancale avec son premier groupe de lycée (Dust Art), il tirera parti en devenant ingé-son, pour partir ensuite à l’aventure avec ses seules machines.
Confessions hypnotiques
Ce passif rock, on le retrouve désormais dans ses compositions, qui ne s’interdisent rien et évoluent au gré de ses envies : « Au départ, je voulais surprendre les gens, créer un choc. Aujourd’hui, c’est vrai, j’ai plus envie de les accompagner… J’aime être là où on ne m’attend pas, et c’est pourquoi je garde le même pseudo pour toutes mes sorties. » En attendant l’album, qui sera de forme plus pop et largement nourri de ses prestations live, Danton vient sans doute de sortir son meilleur maxi à ce jour[3], titré d’après le grand œuvre de l’écrivain anglais Thomas de Quincey (la classe) : dix minutes d’hypnose carénées par une énorme ligne de basse, déjà en playlist chez les meilleurs dj’s du globe, sans doute l’un des hymnes d’after pour les bilans de fin d’année. Danton a du style, et pas seulement lorsqu’il s’habille ou entre en scène. Danton est un party animal en puissance, il a toutes les cartes en lui, planquées au fond de son chapeau, pour pénétrer durablement cet univers parallèle qu’est la nuit noire. Là où seules quelques étoiles brillent.
PLX
Le 24 en live au Cargo de Nuit (Arles), 21h30. Rens. 04 90 49 55 99
Notes
[1] Electrobot, Virgo, Lektroluv, Tsuba, In Finé, Freak’n’Chic…
[2] Les demandes émanant des clubs pour programmer un artiste
[3] Confessions of an english opium eater (In Finé/Discograph) www.dantoneeprom.com et www.fondationrecords.co.uk