Gabriel Luer

Identités Remarquables | Gabriel Luer

Luer, d’espoir

 

Gabriel Luer est un personnage aux talents protéiformes, à la fois peintre hors pair, compositeur, interprète, ainsi qu’écrivain aux jeux de mots à tiroir et tout en finesse. Bref, un formidable olibrius qui nous fait espérer dans ce pari fou : on peut arriver au bout de ses rêves en travaillant toujours dans la joie…

 

L’homme chic au chapeau avait attiré notre attention à la terrasse du Bistrot Georges sur le boulevard Chave, dont il a fait son QG (Quartier Génial)… Peut-être le croiserez-vous avec sa guitare et le nez dans ses livrets ?

Né à Saigon en 1946, d’un père militaire de carrière et dans une famille nombreuse dont il est l’aîné, le petit Gabriel Luer, traumatisé par la guerre, souffre de bégaiement. C’est cette difficulté d’expression verbale qui va paradoxalement lui permettre de gravir des montagnes : une quête de synonymes enrichit en permanence son champ sémantique. Les mots deviennent une force et en font un chercheur de trésors. Empêché de Conservatoire et d’école des Beaux-Arts par un sévère patriarche qu’il remercie malgré tout, le poète saura stimuler sa révolte par la création incessante.

En 1998, la Poste lui commande des fresques pour la Coupe du Monde. De là, il peindra de grands formats. Éditées chez Fleurus et ailleurs, ses illustrations contées nous chavirent…

L’artiste total, aux yeux malicieux en amande, s’amende sans cesse en améliorant sa prose. L’art majeur reste pour lui l’écriture ; il œuvre dans un processus croisé : les mots déclenchent des images, les textes entraînent la musique.

Gabriel sera parallèlement facteur pendant presque cinquante ans ; aujourd’hui, il ne transporte plus les mots des autres mais nous transporte à travers un projet auquel il se consacre depuis des années. 80 chansons choisies en affinités avec le même nombre de grandes toiles, souvent oniriques et de très belle facture, forment un hymne à Marseille — sa ville d’accueil et de cœur — et à la Méditerranée. Cet opéra pictural (Chants d’étoiles / des toiles) prendra bientôt corps, espérons-le, dans un lieu prestigieux phocéen… Car il faut un écrin digne de ces bijoux !

 

« Ta vie sans moi va continuer

Comme le fleuve à l’estuaire

J’entends déjà battre la mer

Contre le front des noirs rochers. »

(Extrait de Te perdre). Du Baudelaire ? Non, du beau de Luer…

 

Gabriel a su faire passer certains talents à son fils Vincent, également auteur et photographe.

Comme le disait justement Michel Audiard, « Bienheureux les fêlés, car ils laisseront passer la lumière ».

 

Marika Nanquette