Identités Remarquables | Henri Florens
Florens va piano
Une chevelure qui lui tombe dans le dos, le visage enfoui sous une barbe, les yeux rieurs et l’humilité en bandoulière malgré un talent immense… Il était temps de consacrer quelques mots au pianiste et compositeur marseillais de jazz Henri Florens.
Il fait partie de cette catégorie de musiciens qui ne se prennent pas au sérieux. Il reste aimable avec chaque personne qui croise son chemin, quelle que soit la situation dans laquelle il se trouve. De ce vrai pianiste et mélomane accompli émane une grande générosité, à la fois musicale et humaine.
Dès sa plus tendre enfance, Henri Florens est abreuvé de musique par son père, violoniste et guitariste, qui lui joue La Méditation de Thaïs de Massenet, Andaluza de Granados ou les titres de Django Reinhardt, et invite tous les dimanches une dizaine de guitaristes à la maison (Claude Djaoui, Cardi et autres monstres de musique).
Dès l’âge de dix ans, il s’empare du piano mécanique offert par sa cousine pour en jouer tout seul. Décidément très précoce, il écume parallèlement les boîtes de nuit marseillaises pour aller écouter les pointures du jazz. Et à treize ans à peine, il se retrouve sur scène, au Relay Jazz Club, aux côtés de Marcel Zanini, du batteur Albert Raza et d’autres musiciens qui carburent au pastis tandis qu’il se contente de jus d’orange. Une expérience « impressionnante », qui lui laissera des souvenirs vivaces, encore aujourd’hui.
Guy Longnon, professeur au Conservatoire de Marseille et ami de Boris Vian, le prend sous son aile à sa majorité. Henri se souvient parfaitement de ce musicien et professeur exceptionnel, jusqu’à raconter des anecdotes à son sujet : « Dès que le tempo s’accélérait, il criait “À cheval, les Indiens !” et lorsque ça partait en vrille, il disait “Oh là là ! On fonce dans le brouillard !”. » Ce qu’il ne dit jamais, c’est qu’il a eu un Prix au Conservatoire.
Sitôt les études achevées, il part pour Paris, où il résidera une dizaine d’années à Pigalle, se produisant, entre autres, avec Christian Escoudé et Christophe Le Van, et squattant le Bar Houdon, dont le patron auvergnat accueille à bras ouverts les jazzmen avec un piano sur place. Le genre d’ambiance dont Henri se délecte.
À son retour à Marseille dans les années 2000, il est contacté par des producteurs pour accompagner… Dizzy Gillespie, excusez du peu ! Le « facétieux et génial » trompettiste lui montre la coda de Round Midnight, qu’il avait ajoutée à la composition de Thelonious Monk. Et ensemble, ils jouent Les Feuilles Mortes de Joseph Kosma ou A Night in Tunisia de Dizzy Gillespie et Frank Paparelli (1942), qui est inscrite au Real Book.
Sur sa longue route pavée de notes bleues, Henri rencontre également Chet Baker (« Un moment magique »), avec qui il enregistrera deux disques en 1979.
Récemment, on a pu voir Henri Florens au Jam, lieu emblématique du jazz marseillais, pour deux concerts mémorables : le premier en solo, pendant lequel il a enchaîné les morceaux de tous styles avec une maîtrise absolue ; la deuxième fois pour un trio plein de connivence avec Stéphane Belmondo et Thomas Bramerie.
Si on peut se délecter de son savoir-faire à la maison (avec ses deux dernières productions discographiques par exemple, Douces Pluies du Jazz Hip Trio et Missing Chass en solo), c’est sur scène que son talent s’exprime pleinement, laissant souvent le public pantois. On sait ce qu’il nous reste à faire…
Cathy Moreau
Henri Florens, avec Julien Florens et Bernard Abeille : le 6/10 au Roll’Studio (17 rue des Muettes, 2e).
Rens. : 04 91 90 35 76 / www.rollstudio.fr
Pour en (sa)voir plus : www.facebook.com/henriflorensjazz/