Identités Remarquables | La Cumbia Chicharra
Enfant de la balle
Hijo de Tigre, le troisième album de la Cumbia Chicharra, se démarque d’albums de cumbia par son originalité. Entre tradition sud-américaine et sonorités afrobeat ou électroniques, ce nouveau bébé ne marche pas sur deux pieds et c’est ce qui fait tout son charme.
Quatre années séparent chaque album de la Cumbia Chicharra. Un hasard, certes, mais également le reflet des besoins de la composition, l’arrangement des nouveaux titres, « et surtout d’une période qui laisse au disque précédent le temps de vivre », explique François, clavier et accordéoniste du groupe. Les morceaux sont défrichés, éprouvés, et retenus ou abandonnés s’ils ne correspondent pas parfaitement sur scène. La satisfaction des artistes et du public s’avère primordiale.
Mais, pour cela, le lieu d’écoute est important. Avec tout le respect qu’a la formation pour les fanfares ou les carnavals, et les sonorités cuivrées et percussives qui peuvent les évoquer dans ses albums, le groupe n’est pas dans la déambulation de rue mais bien dans l’occupation du plateau (et du salon à la maison). L’objectif est toujours de « chauffer la piste de danse et de combler les oreilles. »
Avec Hijo de Tigre, le groupe marseillais, qui se considère comme « une famille un peu turbulente avec beaucoup de bienveillance et des caractères bien trempés », en est à son troisième enfant. Né sous des cieux cléments entre tournées européennes et sud-américaines, ce bébé pèse dix morceaux et l’on peut dire que ses parents l’ont annoncé avec le premier (Ya va a empezar, « Il/elle est sur le point de commencer » en VF), puis le deuxième opus (Sudor, « Sueur » en VF). L’accouchement était donc l’étape suivante.
D’un côté, le bon accueil des concerts au Chili (en 2014, avec des traces dans le titre La Weá, argot chilien assimilable à notre « truc »), en Belgique et aux Pays Bas (2015) a convaincu le groupe de poursuivre dans la voie de « la fusion de nombreux rythmes (afrobeat, cumbia, funk, ternaires afro-colombiens) et vers des sonorités moins “traditionnelles” (électro, dub). Mais avant tout, les musiciens sont d’ici, Marseille, avec une musique dense, urbaine, et une réunion d’identités très différentes, subtile et sauvage », à l’image de la cité phocéenne. D’un autre côté, « Le resserrement de la formation autour de neuf musiciens a aussi poussé à varier l’instrumentation. » Ainsi, quand ce n’est pas le chanteur qui prend la basse, c’est le bassiste qui va prendre la guitare.
Fusion et changement de musicien pour tel ou tel instrument ne signifient pas pour autant éloignement de la cumbia traditionnelle. Hijo de Tigre signifie « Tel père tel fils ». La Cumbia Chicharra revendique ainsi son héritage des pères de la cumbia ; mais chaque être est unique et nous ne sommes pas nos parents, et vice versa. « La musique latine est d’ailleurs elle-même capable de prendre de vraies libertés avec ses classiques tout en sachant respecter à la lettre un répertoire, un style. À la fois fidèle et transgressive. »
À l’écoute de ce troisième album, ce traditionnel revisité ressort effectivement, tout comme la grande diversité qui s’en dégage. Qu’il s’agisse de « reprises de Cuba ou de Colombie, entièrement réarrangées sans modifier les paroles, ou de créations, l’album s’articule autour d’éléments chers aux artistes, sensualité, danse et sentiment amoureux (Rita, Marsellesita…), et une part de psychédélisme et d’aventure intérieure, de transe (La Weá Vasistas Peyote; Dub de la Pollera…). » Cet ensemble contribue à créer du lien social par la danse et l’écoute collective.
Les premiers pas de ce beau bébé sont tout tracés avec une douzaine de concerts déjà programmés et le titre de « disque du mois » pour la web radio Groovalizacion. Nul doute que cet enfant pourra aussi compter sur des milliers de nounous pour danser avec lui.
Guillaume Arias
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Hijo de Tigre (Discos la Chicharra) sortira en versions CD et digitale le 25/05
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Release party avec Pacheco Terror le 24/05 à l’Espace Julien (39 cours Julien, 6e).
Rens. : www.espace-julien.com
Pour en (sa)voir plus : www.lacumbiachicharra.com / www.soundcloud.com/lacumbiachicharra