Osez Magali
Avec son second album Touches Cousues, résultat d’une campagne de financement participatif, l’auteur-compositeur Magali entend bien faire résonner sa voix singulière. Rencontre.
La dernière fois qu’on a croisé Magali, c’était en mars dernier, à quelques minutes de son entrée sur la scène de l’Espace Julien où elle faisait la première partie d’Arno. Seule avec son accordéon, la Marseillaise avait réussi à capter l’attention du public avec un set alliant tour à tour légèreté et tendresse, assurément sa marque de fabrique. Bien sûr, ça a été « un kiff énorme de jouer devant autant de monde et, surtout, ça m’a donné l’envie de recommencer et de faire découvrir mes morceaux à encore plus de gens », confie-t-elle.
Une première pour celle qui d’ordinaire trimballe son piano à bretelles dans les gargotes, troquets et autres bouis-bouis du quartier de la Plaine — Paradox, Baraki, Maison Hantée, Passerelle, Longchamp Palace — mais aussi dans des salles de concert comme la Machine à Coudre… Quelques-uns des lieux dans lesquels elle égrène depuis six ans ses compos douces-amères, en solo ou en duo avec le contrebassiste Thierry Malard. C’est également dans un bar, celui du marché aux Puces des Arnavaux, qu’elle se confronte pour la première fois aux affres du public à la fin des années 90. Puis, lassée des batailles d’egos stériles entre musiciens, elle s’éclipse, met la musique entre parenthèses le temps de faire des enfants, se marier et divorcer. La vie, quoi.
De son propre aveu, la quarantenaire entretient une relation complexe avec le « piano du pauvre ». Si l’ado de quinze ans avait été emballée par sa puissance sonore, la musicienne d’aujourd’hui cherche à tout prix à se départir des clichés qu’il véhicule : « Les images d’Epinal sur l’accordéon m’exaspèrent. On y associe une certaine gouaille et un côté titi parisien auxquels il est difficile d’échapper. Et parfois, ça me soule ! » Elle aime en revanche la facilité avec laquelle il lui permet de composer. Son inspiration, elle la puise dans un vaste panorama musical qui inclut Tom Waits (époque Frank’s Wild Years, album sur lequel l’accordéon est très présent), PJ Harvey, qu’elle suit depuis ses débuts, ou encore Bashung et Moussu T. Un univers clairement plus rock que guinguette, donc. Une filiation qui s’entend à l’écoute de l’album enregistré par Nicolas Dick (Kill The Thrill), une des figures emblématiques de la scène alternative marseillaise. Touches Cousues s’avère du Magali pur jus : des mélodies entraînantes, une voix profonde et des textes ciselés qui croquent le quotidien. Mauvaise fille narre les conflits mère/fille. Les Dimanches, les aléas d’une relation de couple. Et puis, il y a J’ai peur (« J’ai peur de tout, j’ai peur de rien/comme une vieille au fond d’un train ») dont les paroles font sourire et qui, dit-elle, lui ressemblent. Un album qui se veut « un passage » entre la Magali d’hier et celle d’aujourd’hui, qui a désormais « envie de l’ouvrir et d’oser ». Cet album vient également « concrétiser le travail engagé depuis une dizaine d’années » avec un objet tangible et bien réel. Un bel objet, puisque c’est la dessinatrice Caroline Sury, co-fondatrice des éditions Dernier Cri, l’amie de longue date dont elle apprécie « le mordant », qui a réalisé le visuel ornant la pochette du CD. On y voit la native des quartiers Nord, mèches en bataille et regard brillant, comme dans la vie, en train de chevaucher une sardine, avec en toile de fond le Vieux-Port du temps du pont transbordeur… A l’attaque ?
Emma Zucchi
Magali : en concert le 8/10 à la Maison hantée (10 rue Vian, 6e) pour fêter la sortie de son disque.
Rens. : www.facebook.com/magalilongchamp