Identités Remarquables – Nicolas Cante
Bel Cante
Nicolas Cante, la « Cantatrice » des platines, ou récit de la rencontre avec un Dj très « spacial ».
Arriver à joindre Nicolas Cante tient du hasard et de l’obstination. Des grenouilles coassent gaiement sur sa boîte vocale. Quinze messages plus tard, lassée du chant de la grenouille, je parviens à arracher un rendez-vous au maestro. Nous nous retrouvons dans sa maison, à côté d’Aix-en-Provence, au milieu des collines chères à Pagnol. Autour d’un pastis : Nicolas — un mètre quatre-vingt, dégingandé, trente-deux ans et beaucoup de kilomètres au compteur — est un enfant du pays. « C’est une vieille marque, pas très connue, celle que choisissait toujours mon grand-père ! »
J’inspecte l’endroit. Il faut enjamber des mètres de câbles qui serpentent sur le sol, s’enfoncer jusqu’aux genoux dans les partitions. Au fond de la pièce qui tient lieu de salon et d’espace de travail, un capharnaüm d’écrans et de claviers. Ses outils. Difficile de résumer Nicolas Cante à une formule simple. C’est un artiste, un performer, un Dj — non pas un Dj, un amoureux du son. Elève prodige, il joue du piano depuis sa tendre enfance (pardon pour le cliché). Prix de piano au conservatoire d’Aix-en-Provence, professeur de Musiques Actuelles Amplifiées. Collaborations régulières avec le très sérieux Centre Chorégraphique d’Aix-en-Provence, ou le Centre National des Arts de La Rue Lieux Publics. Nicolas joue du piano donc. Et souvent debout. A son actif, la création Piano Mekanik, un spectacle interactif consistant en un live débridé — mais organisé — audio et vidéo, en temps réel. Mêlant jazz, contemporain et électro, c’est une « installation visuelle et sonore autour d’un piano ». Son actu ? Piano Mekanik Kantatik, des k qui rebondissent sur la langue, à l’image des sons qu’il produit, une création personnelle, qu’il a enregistrée aux Fées d’Hiver à Embruns, avec Otisto23 en ingénieur du son et co-produit avec le label parisien DTC. Sortie et promo prévues au printemps 2008. C’est du jazz mâtiné de pop, de dance-floor, et de euh… On s’y perd un peu à le définir. Il faut l’écouter. Et danser. Tout le plaisir est là.
Il s’amuse et se régale visiblement à brouiller les pistes. Ses lives mêlent toujours performance musicale et présence sur scène. Au lieu de se cacher derrière l’autel, pardon, les platines, notre homme préfère officier au milieu de la foule, « pour faire danser les gens, en dansant avec eux. » Coiffé d’un casque équipé d’un micro, il descend dans l’arène en pianotant sur un clavier d’ordinateur relié aux baffles. Et fait danser le peuple, de Paris à Kinshasa, en passant par les Balkans. Il a écumé clubs et festivals de par le monde. Les écume toujours. D’où la difficulté de l’attraper au vol. Toujours en partance, entre deux voyages. Parti besace au dos et pouce en l’air à vingt ans, il a transité par la Roumanie ou l’Inde. « J’ai chopé le virus de la route », reconnaît-il volontiers. Ce qu’il aime dans cette façon de faire son métier ? « Les rencontres ».
Son plat préféré ? (troublée par l’élixir du grand-père, je m’embrouille dans mes questions) « Les bureks de Sarajevo, ou les conserves à la tomate de ma grand-mère russe. ». Tiens, des origines slaves… Je m’engouffre dans la brèche. Alors les Balkans ? « Terrible. Les gens ont envie de s’amuser, de danser. J’ai fait de très belles rencontres. » Il a notamment été invité par des collectifs électro belgradois ou sarajeviens.
Ici, il a joué au Cabaret Aléatoire de Marseille, ou au Festival Arborescence à Aix-en-Provence. Des collaborations toujours au carrefour de la performance, de l’électro, de la pop et du piano.
Quelques pastis plus tard, il se lancera dans une impro au piano, dissimulé sous la mezzanine. Imitant Bessie Smith, martelant les touches, chantant d’une voix nasillarde. Je me prends au jeu, et applaudis. Avant d’être congédiée gentiment. « Parce que je bosse, quand même ! » Merci, Nico.
Texte : Bénédicte Jouve
Photo : François Guerry
Le 16 à la Cité du Livre d’Aix-en-Provence dans le cadre de la soirée de clôture du Festival Images de ville (il improvisera au piano sur une sélection de films des années 1920/ 1930 autour du thème de la maison hantée).
Rens. www.yovocorp.net