Voix rapide

 

Un an après la sortie de son premier album Plume 13, le rappeur Relo, anciennement Napo, revient avec le deuxième volet de sa nouvelle mixtape La Voix du 13, qui occupe d’ores et déjà une belle place dans les classiques du rap marseillais. Pas de bling-bling chez cet artiste authentique, mais plutôt des mots puissants, à la hauteur de son talent et de ses valeurs bien ancrées.

 

« Relo, c’est lui, c’est elle, c’est moi, c’est nous » : le trentenaire originaire du quartier de la Marie, à Marseille, se définit lui-même comme l’archétype de l’anti-star. « Aucune barrière entre mon public et moi, je suis comme eux, un gars lambda qui parle en rimant », dit-il avec humilité. Et pourtant, il s’agit bien d’une étoile montante dans le milieu du rap. En témoigne le respect de ses prédécesseurs et la qualité de son travail.

 

Dès son plus âge, les sons de la Fonky family, Tandem ou encore Arsenik tournent dans les oreilles de Relo. Ses parents, eux, le bercent à la poésie de Brassens et de Brel. Deux univers opposés, qui se côtoient sans chercher à s’évincer l’un l’autre.

 

Fidèle en amitié comme en sa passion, c’est auprès de l’ingénieur du son Ladjoint que l’enfant du 13^e arrondissement travaille ses morceaux dès ses dix-huit ans. RedK du groupe Carpediem est le premier à lui proposer un feat. Cette collaboration marque le début de l’apprentissage des ficelles du milieu.

 

Autodidacte, il raconte son apprentissage et ses inspirations : « J’ai appris à l’instinct et n’ai quasiment jamais fait d’atelier d’écriture, hormis lorsque c’est moi qui les animais. J’essaie de m’instruire à travers une culture personnelle et en me nourrissant de mon quotidien (…) J’analysais beaucoup les rappeurs que j’écoutais ainsi que leurs phrasés, je suis un vrai passionné qui cherche à apprendre perpétuellement. C’est presque une science, la science de la rime. Mais à choisir entre la technique et le message à transmettre, ce serait le message sans hésitation. Je veux que ma musique puisse accompagner les gens et les aider… sans prétention ! La technique, c’est bien pour s’amuser, bien que l’un n’aille pas sans l’autre selon moi. »

 

Adepte des collaborations artistiques, il réalise des featurings avec El Matador, Keny Arkana ou Allen Akino, avant de se voir proposer de poser sa voix sur le dernier album d’IAM, Yasuke, en 2019. Relo partage la même vision du rap et de la cité phocéenne dénuée de faux-semblants que le groupe mythique, celle qui impacte autant qu’elle émeut. Conscient de l’hypocrisie et de la vanité qui peuvent planer sur le milieu du rap, le façonneur de rimes se veut sélectif dans le choix de ses projets et souhaite à tout prix rester en adéquation avec ses valeurs. Son morceau Principes et carrières met justement en avant l’importance de garder les pieds sur terre, et de ne pas se laisser tenter par le succès au détriment de ses convictions. Il précise : « Mes principes sont simples : être réglo m’engage à n’avoir qu’une parole, assumer mes prises de positions et respecter les autres. J’ai rencontré des situations qui mettaient à défaut mes dogmes, mais je n’ai pas hésité. Je reste fidèle à ma ligne de conduite. Peu importe ce qu’il y a en face, j’ai la chance de travailler à côté et d’avoir une certaine assise. »

 

Constamment en studio d’enregistrement, Relo fait partie de ces artistes qui ne manquent jamais d’inspirations. Il prend plaisir à travailler entouré de ses pairs : pour La Voix du 13, il collabore ainsi avec Dj Myst, tandis que la pochette est réalisée par le graphiste à la patte urbaine Cros2 et la réalisation des clips est signée par Caktus et Deucis Sensa. L’artiste vit son art dans la générosité vis-à-vis de ceux qui partagent son micro, mais également vis-à-vis de son public. Et c’est sur scène qu’il matérialise le plus cette communion : « En concert, j’essaie d’apporter une version différente des sons que mon auditoire a l’habitude d’écouter sur les plateformes musicales. J’ai envie de transmettre toute l’émotion que j’ai au fond des tripes, que les gens la reçoivent de manière frontale et comprennent un peu plus mon état d’esprit. La scène, c’est le ring, le tapis vert, là où tu dois donner le meilleur de toi-même en une seule prise. De plus, vu que je parle très peu de ma vie personnelle sur les réseaux, c’est un moyen de donner un peu plus de ma personne à mes supporters. »

 

Marseille en vrai

 

Cultivant la discrétion, celui qui ne montre jamais son regard a cependant une vision très claire de la réalité de sa ville. Celle exposée par les médias n’en serait que la partie obscure, alors que Relo semble révéler une « face B » de Marseille, tel l’éclat d’un diamant noir. Il évoque la cité phocéenne comme un repère, un foyer : « J’aime voyager, découvrir le monde, mais à chaque fois, je suis heureux de retrouver le folklore de ma ville. Même si tout n’est pas rose, je l’aime pour ce qu’elle est, avec ses qualités et ses défauts. Je ne pense pas pouvoir la quitter un jour. » Dans son titre Marseille en vrai, Relo définit justement avec amour et transparence La Belle écorchée : les points de rendez-vous de la jeunesse, l’essoufflement des quartiers délaissés, l’insouciance jonglant sur les terrains de foot, le sourire de la « mama », les parties de pétanque avec les anciens, les rêves des minots parfois stoppés par les contraintes socio-économiques, la justice à deux vitesses, le mélange enrichissant des cultures… Tout y passe en l’espace d’à peine plus de trois minutes.

 

À travers ses différents morceaux, Relo ne tente jamais de mettre en scène de manière outrancière les sujets qu’il aborde. Il constate et raconte simplement ce qu’il voit tout en usant de métaphores, dont la puissance frappe au cœur et bouscule la conscience.

 

Et du cœur, il en a ! Il y a dix ans, il crée l’association Agir et Croire en Soi, qui a pour but de faciliter l’accès à la culture en ramenant de la vie dans son quartier de la Marie, dans lequel les loisirs dédiés aux jeunes s’avèrent quasiment absents. Force est de constater que c’est également le cas dans bon nombre d’autres quartiers du nord-est de la ville, où l’ennui se fait grandement ressentir, du fait du manque de moyens des centres sociaux. L’asso se charge aussi d’offrir à certaines écoles des fournitures scolaires, ou encore d’organiser des activités telles que des ateliers d’écriture, de danse ou de graffitis animés par des professionnels. Très soucieux du bien-être de la jeunesse, Relo souligne : « J’aime à croire que l’on ne naît pas mauvais. C’est notre environnement qui nous influence. Je suis de nature assez optimiste et pour moi, il n’y a pas de fatalité. Mon intérêt pour le développement personnel depuis quelques années et mes leçons de vie m’ont appris beaucoup de choses qui vont en ce sens. Et si j’ai créé cette association, c’est parce que ce sont les enfants qui me donnent espoir en un avenir plus lumineux. Tout part de l’éducation à laquelle tu as eu droit. »

 

Enfin, malgré le contexte sanitaire actuel, l’homme à l’état d’esprit positif a vu sa créativité s’accroître. Plus que prolifique, il a su mettre en place à distance de futures connexions avec d’autres artistes et s’est lancé le défi de sortir deux freestyles par semaine en direct de sa voiture. Autres occupations qui ont le don de le détendre : en bon Phocéen, l’OM coule dans ses veines, comme on pouvait s’en douter. Plus surprenant, la cuisine ! « Je peux passer deux ou trois jours d’affilée derrière les fourneaux, ça me déstresse. » (rires)

 

Pour ce qui est de la musique, le rappeur assure que la suite va arriver très rapidement. Il pense même avancer la sortie d’un nouveau projet… Restons connectés !

 

Saïda Boulkaddid

 

Pour en (sa)voir plus : www.relo-officiel.fr / www.facebook.com/Napocestrelo

Vivez en images l’histoire du rap et de son évolution dans la cité phocéenne grâce au documentaire D’IAM à JUL, Marseille capitale rap, de Gilles Rof et Daarwin, diffusé le samedi 14 novembre à 22h30 sur France 5 et le lundi 16 novembre à 22h40 sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur. Teaser : https://youtu.be/w_UOk2mJ3C8