I’m Not There – (USA – 2h15) de Todd Haynes avec Cate Blanchett, Christian Bale, Marcus Carl Franklin…
Non mercy
Depuis le début de sa carrière d’auteur « post – moderne – expérimental – et – tendance », Todd Haynes affiche un goût prononcé pour les hommages en forme de collage référentiel. Son parcours passionnant autant qu’irritant est jalonné de très belles réussites (Safe et Loin du Paradis), mais conserve un caractère assez limité sur le long terme. C’est d’ailleurs de cet étalage clinquant et tape-à-l’œil que souffre principalement I’m Not There. On l’a déjà écrit dans ces pages et j’en parlais l’autre jour avec ma mère (qui a dit Henri Seard ?) : trop de figural tue le figural. Capter ne serait-ce qu’un infime éclat de la personnalité protéiforme de Bob Dylan exige sans doute un peu plus qu’un simple dispositif formel, aussi intelligent soit-il. Six corps pour six Dylan et autant d’effets de réflexion, c’est à la fois habile et un poil systémique. Car, dissocier ce qui ne fait qu’un revient fatalement à en extraire l’extraordinaire potentiel esthétique. Et, là où on espérait une déconstruction, Haynes nous accable d’une surproduction de sens, dénuée de profondeur. Dylan, débarrassé de son charme multipolaire, se décline donc avec insignifiance — et beaucoup de didactisme — sur le mode cow-boy 70’s (Gere, fade), protest singer habité (Bale, too much) ou icône électrique (Blanchett, très ressemblante), sans que jamais il n’en ressorte autre chose qu’une vision convenue du corps chantant. Celui-là même auquel Todd Haynes tente justement d’accéder en se livrant aux délices du mensonge fictionnel. C’est peut-être le pire dans I’m Not There : même animé de louables intentions, il continue à nous ennuyer.
Romain Carlioz