Image de Ville
Ciné Città
C’est une programmation impressionnante que nous livre pour sa dix-huitième édition l’équipe d’Image de Ville à Aix-en-Provence, Marseille, Martigues et Port-de-Bouc, et ce dans de nombreuses salles partenaires. Un jeu de miroir sur la place de l’individu dans la ville, à l’heure où sa place dans la société même est posée.
Si les dommages de cette crise planétaire touchent en profondeur, comme tant d’autres secteurs d’activités, l’industrie cinématographique (production, distribution, exploitation confondues), ils impactent tout autant fortement l’organisation des nombreux festivals de cinéma dont la région peut s’enorgueillir, et dont ces colonnes s’en font chaque année l’écho. Des annulations pures et simples — Cannes en fut un exemple probant — aux éditions revues à minima, force est de constater que les festivals affrontent également, de plein fouet, les conséquences des dispositions sanitaires dont font l’objet les salles de cinéma.
À la lecture du programme de la nouvelle mouture du festival Image de Ville — manifestation de référence sur les questions urbaines et architecturales — difficile de dissimuler son bonheur de découvrir un programme des plus passionnants, foisonnant, kaléidoscopique, en forme de pied de nez à la morosité cinématographique ambiante. Cette dix-huitième édition construit en effet passerelles et chemins de traverse propres à prolonger nos regards sur l’environnement urbain, dans la continuité des précédents rendez-vous.
Un festival qui s’ouvre par un dialogue inédit entre les cinéastes Ila Beka et Louise Lemoine (dont le fameux Koolhaas Houselife nous avait enthousiasmés en 2008) et les philosophes Michel Lussault et Thierry Paquot. L’occasion, entre autres, de revenir sur la filmographie incandescente des deux plasticiens-réalisateurs, de Barbicania à Moriyama-San. L’équipe d’Image de Ville a privilégié depuis plusieurs années, dans l’architecture de la manifestation, les propositions à tiroirs plutôt que la tutelle d’une thématique définie. En conséquence, les axes ainsi multipliés sont autant de pistes de réflexions passionnantes. En témoigne l’hommage rendu à Éric Rohmer : le cinéaste du sentiment et de l’exception fait place ici à l’artiste féru de lignes architecturales et d’ambiances urbaines. Dont acte avec les projections de L’Amour l’après-midi et Les Nuits de la pleine lune, mais également, pour leur héritage rohmérien, Vénus et Fleur et Drôles d’oiseaux, respectivement d’Emmanuel Mouret et Élise Girard, qui nous feront l’honneur de leur présence. Outre l’écran parallèle Quand le cinéma raconte la catastrophe, fort à propos actuellement, qui nous permettra de (re)découvrir les magnifiques Melancholia de Lars Von Trier, Pluie Noire de Shohei Imamura ou La Terre outragée de Michale Boganim — et accueillera la conférence unique d’Alfonso Pinto —, le cycle L’esprit de la ville s’attachera quant à lui à définir les contours de l’âme de la cité, qui la rendent profondément unique. Une série de conférences en présence de prestigieux invités (l’une des forces de ce festival) permettra d’y développer les questions de l’imaginaire urbain que nous partageons tous peu ou prou, parfois à notre insu. Un sentiment particulièrement prégnant dans la cité phocéenne, qui sera d’ailleurs à l’honneur de cette dix-huitième édition, avec quatre films sélectionnés, dont le fameux La Bataille de la Plaine de Thomas Hakenholz et Sandra Ach. Il serait vain de pouvoir dérouler ici toute la richesse de cette programmation de haut vol, mais citons épars la rencontre avec Sepideh Farsi pour son opus Le Voyage de Maryam, l’avant-première du dernier film de Régis Sauder J’ai aimé être là ou de Gagarine de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, les projections-débats avec Alyx Arumpac (pour Aswang), Thomas Bornot et Cyril Montana (pour Cyril contre Goliath), Jessé Miceli (pour Les Affluents), la thématique Le génie des lieux offrant de grands moments d’échanges, le cycle Terrestre, où l’on retrouvera, entre autres, l’avant-première de Douce France de Geoffrey Couanon, sans oublier la belle initiative introduite dans l’écran parallèle Hospitalité(s) ou les séances jeune public (avec le magnifique La Petite Vendeuse de soleil de Djibril Diop Mambety). Comme le souligne Luc Joulé, directeur artistique d’Image de Ville, cette nouvelle édition vient incontestablement rappeler que les festivals offrent aujourd’hui plus que jamais l’occasion aux salles de cinéma de diversifier une programmation, ici inédite et de grande qualité, participant au changement de paradigme profond qui secoue cette profession.
Emmanuel Vigne
Image de Ville : du 15 au 25/10 à Aix-en-Provence, Marseille, Martigues et Port-de-Bouc.
Rens. : http://imagedeville.org
Le programme complet du festival Image de Ville ici