Intégrale Maurice Pialat à la Cité du Livre
Vivre libre
L’Institut de l’Image, à Aix-en-Provence, confirme en ce début d’année la qualité de ses programmations, remarquée depuis ces dernières années : en proposant une intégrale Maurice Pialat, son équipe met en lumière une des plus belles œuvres de l’histoire du cinéma.
Il est une conviction aujourd’hui partagée par tous : Maurice Pialat fut l’un des plus grands cinéastes de l’histoire. Son cinéma témoigne d’une intelligence hors normes, d’une finesse inouïe du regard, maître mot d’une œuvre qui n’a eu de cesse de plonger au cœur des personnages, au plus près des sentiments, sans artifices, avec une douce brutalité. Il ne filmait pas le monde original, mais originel, et laissait béantes les failles de la nature humaine. L’Institut de l’Image nous permet de (re)découvrir la force sans pareille des œuvres de Pialat, via une intégrale de ses longs-métrages, à laquelle s’ajoutent les films turcs réalisés pour le gouvernement entre 1963 et 1965. Son cinéma est un cinéma de révolte jamais aveuglé. On le disait vivement inspiré des frères Lumière. Il est vrai que les hommes et les femmes importaient plus que le temps, que son cinéma occulte parfois. Car ses personnages refusent de se laisser figer par ce temps, ou même de le fuir. Ils n’ont de cesse d’être vivants, contre la tentation du désespoir. On connaît la dureté, l’intransigeance du personnage, aussi sévère envers lui-même que ses pairs. Il reste des images fortes, notamment celles de Cannes, mais Pialat a accordé quelques rares interviews qui ont permis de pénétrer l’homme sans jamais vraiment l’atteindre. Son premier film, déjà, fut un coup de maître. L’Enfance nue témoigne d’une lucidité incroyable sur la société, les rapports entre les êtres et l’état de la jeunesse dans cette fin des années soixante. Il y dirige des acteurs non professionnels, qui démontreront déjà son immense capacité à laisser le comédien (reconnu ou inconnu) posséder son personnage. Il enchaîne alors avec un téléfilm sublime, en sept parties, pour l’ORTF (un peu comme si France 2 commandait une série diffusée en prime time à Léos Carax..) : La Maison des bois. Suivront alors une dizaine d’œuvres toutes incontournables et projetées lors de cette intégrale, dont Sous le soleil de Satan, Palme d’or en 1987. Ce film vient particulièrement rappeler le goût de Pialat pour la peinture, à l’instar d’un Kurosawa qu’il admirait. Cet homme fut donc, à l’image de son cinéma, libre et sans fard, refusant d’adhérer à tout mouvement et tout groupe (il exprimait de grandes réserves vis-à-vis des grands noms de la Nouvelle Vague). Un être de l’absolue liberté.
Texte : Emmanuel Vigne
Photo : L’Enfance nue
Intégrale Maurice Pialat : jusqu’au 31/01 à la Cité du Livre (8-10 rue des Allumettes, Aix-en-Provence). Rens. 04 42 26 81 82 / www.institut-image.org