Isabelle Crampe et Claire Gonnord – Matière et couleur, chercher la limite
Grand lux
Après avoir, en début de mois, célébré Baudelaire, Songe d’Icare la galerie met en lumière le travail d’Isabelle Crampe et Claire Gonnord, deux artistes qui explorent les limites de leur art, mais pas que…
Peut-être avez-vous remarqué ces derniers mois, ici et là dans la ville, un pochoir du célèbre visage de Baudelaire immortalisé par Etienne Carjat. L’auteur, Karl Beaudelere, est à ce point pénétré par le poète qu’il en décline le visage en diverses représentations, variant les supports, les techniques, les visions et les lectures. Certaines évoquent les clartés jaillies de certains poèmes et des mots de l’écrivain en général, d’autres en soulignent les sombres pensées, les brusques mélancolies, les accès de violente aigreur. Une manifestation improvisée, née de la rencontre du galeriste Nicolas Mettra et du plasticien, fut montée in extremis pour marquer pendant six jours le cent quatre-vingt-dixième anniversaire de la naissance du poète. Cette exposition fut l’occasion de lectures et de rencontres entre baudelairiens de plusieurs générations.
L’exposition présentée actuellement propose les œuvres de deux artistes qui, bien que présentant quelques points communs dans leurs maniements techniques (collages, usage de matériaux de récupération) et leurs visées (elles donnent toutes deux dans l’abstraction), s’avèrent cependant très différentes dans leur personnalité, leur maturité et leur démarche. Isabelle Crampe, du moins dans les œuvres proposées, laisse à penser que ses tableaux sont des pays, à première vue, du ciel. Et puis, toujours comme avec un pays dont on connaît peu à peu les routes, les reliefs, les tourments et les histoires, se révèlent d’autres plans. Se dégage l’impression d’images satellite dans lesquelles les noirs sont maritimes — à une exception près, où le tableau évoque plutôt le cosmos, dans un tableau qu’on intitulerait volontiers Visage de la Terre. Cette mer noire est d’ailleurs le point de bascule ou de liaison entre les deux artistes puisque Claire Gonnord présente elle aussi un tableau où la mer revêt cette couleur. L’artiste prend le parti de faire de la lumière le sujet de ses œuvres et de se laisser traverser par des impressions et des sensations (la chaleur par exemple) nées de cette lumière. Une lumière à ce point centrale qu’elle semble remplacer le point de vue ou être le point de vue, comme si l’artiste en suivait la perspective ou en remontait le cours. Elle expose aussi en cinq toiles un point de vue sur l’amour. A suivre…
Texte : Frédéric Marty
Photo : Lumières de fin de journée de Claire Gonnord
Isabelle Crampe et Claire Gonnord – Matière et couleur, chercher la limite : jusqu’au 13/05 à Songe d’Icare la galerie (21 rue Edmond Rostand, 6e).
Rens. 04 91 81 76 34 / 09 62 50 43 03 / www.songedicarelagalerie.com