Ivre virgule | L’Étrange Féminin
Les chants des six reines
Les cinq sens chez l’homme sont une évidence bousculée par les Éditions du Typhon. Il se murmure qu’un sixième sens prendrait forme dans L’Étrange féminin. Proposition audacieuse de la maison d’édition marseillaise, ce livre collectif réunit six autrices pour six récits inédits nous plongeant dans l’opacité magique du genre fantastique.
Ondes sensuelles dans les méandres du bizarre. Sur une idée de Lucie Eple, six écrivaines relèvent la proposition de créer un récit original avec comme seule consigne qu’il relève du fantastique. Fantastique, comme ce genre littéraire qui autorise l’intrusion du surnaturel dans l’ordinaire.
Naissent six histoires, empreintes des échos de la mythologie grecque, des brumes de l’Angleterre de Marie Shelley et des sœurs Brontë, aux vertiges d’une nature puissante.
Chacune convoque ses fantômes aux allures de références littéraires, de sensations de déjà-vu, de lumières d’époques révolues. Les ambiances sombres et brumeuses se succèdent sans se ressembler, avec poésie. L’immersion est totale, le fantastique flirte avec le fantasme, ou peut-être est-ce l’inverse.
Fascinantes, dérangeantes, ces six plumes féminines s’expriment sans entrave, tel un pur espace de création loin des rives des enjeux contemporains. La liberté de ton est sans aucun doute le fil conducteur de ce livre.
Les styles diffèrent, les imaginaires ouvrent des abysses de questions sans réponse. C’est obscur, envoûtant, ténébreux. Quel plaisir de se perdre en terres inconnues, de se faire peur et de se prendre au jeu de la distorsion du réel !
Caroline Audibert, Marie Cosnay, Bérengère Cournut, Clara Dupuis-Morency, Hélène Frappat et Karin Serres sont chacune accompagnées par les illustrations noires et délicates faites à l’encre par Jérôme Minard. Une autre passerelle entre chaque récit.
Nectar des déesses
Ambroisie d’aujourd’hui à conseiller pour accompagner cette plongée dans les profondeurs des terres de l’étrange : le vin Cellier des Demoiselles est digne de cette comparaison divine.
Son nom est choisi en hommage aux femmes reprenant le travail des vignes en 1914 en l’absence des hommes du village. Ce vin est un souvenir élégant de cette situation, inédite à l’époque.
Le vin sauvé par des femmes, les histoires qui font peur, construites par des femmes, nous ne sommes pas dans une fiction étrange mais bel et bien dans une réalité puissante.
Faire mauvais genre, c’est choisir le contre-pied de la confiance. Prenez le risque d’être troublé aux vents mauvais, qui vous emportent de-ci de-là vers des méandres inexplorés.
Simone d’Abreuvoir
À lire : L’Étrange Féminin de Caroline Audibert, Marie Cosnay, Bérengère Cournut, Clara Dupuis-Morency, Hélène Frappat et Karin Serres (Éditions du Typhon)
Rens. : https://leseditionsdutyphon.com/all-collections/les-hallucines/letrange-feminin
À boire (avec modération) : le Cellier des Demoiselles.
Rens. : http://www.cellierdesdemoiselles.com/