Jean-Claude Izzo © Ulf Andersen

Izzo, ItinéraireS

Izzo good

 

À l’occasion des vingt ans de la disparition de Jean-Claude Izzo, nous avons rencontré le fils de l’écrivain à mi-parcours du projet ItinéraireS, qui a pour objectif de faire (re)découvrir l’auteur marseillais dans toutes ses dimensions, au moyen de différentes disciplines et lieux de programmation.

 

Comment faire perdurer grâce aux ItinéraireS l’œuvre de Jean-Claude Izzo ? Telle est la question que l’on a posée à Sébastien, son fils, lors de notre rencontre. Ce n’est pas sans émotion qu’il y a répondu. Il s’agit avant tout de « rendre hommage, mais aussi faire découvrir l’homme » sous ses multiples facettes : romancier mais également poète, journaliste, homme engagé.

Soutenu par le COBIAC (Collectif de Bibliothécaires et d’Intervenants en Actions Culturelles) auquel Izzo a pu participer, ce projet a vu le jour au mois de septembre. Au départ, il n’était prévu que la pose d’une plaque à son nom, puis le phénomène commémoratif s’est étoffé grâce à l’investissement du collectif et des participants. Si la plupart des événements ont lieu à Marseille, d’autres villes du département — où a vécu et travaillé le journaliste — ont proposé d’accueillir les manifestations.

Car si Jean-Claude Izzo doit sa renommée à sa fameuse trilogie marseillaise (Total Khéops, Chourmo et Solea), Sébastien nous raconte qu’il était d’abord journaliste (puis rédacteur en chef à La Marseillaise notamment) et avant tout poète. Il a ainsi écrit pas moins d’une dizaine de recueils de poésie, dont on pourra lire ou relire des extraits dans les bus, tramway ou métros marseillais dès ce mois-ci. Et donner ainsi envie aux lecteurs ou usagers de découvrir les autres Izzo. Penser au Jean-Claude Izzo journaliste, c’est se rappeler ses heures de présence lors de la construction des chantiers navals de La Ciotat et des usines sidérurgiques de Fos-sur-Mer. Sébastien nous confie que chaque jour il avait à cœur de témoigner de ce qu’il s’y passait.

Cet homme témoin d’une époque était profondément humaniste et il laisse entrevoir au travers de son aventure journalistique ce qu’il était, ses valeurs, à l’instar de son personnage Fabio Montale. Amoureux des femmes, de la mer, bon vivant, ouvert sur les cultures et le monde, et plaçant l’amitié comme valeur essentielle. Fils d’immigré italien, napolitain, il est celui qui a réussi, qui s’est fait un nom, qui a transcendé son statut. Il a su, dans son œuvre, rendre hommage à sa ville d’accueil et faire de Marseille un personnage à part entière avec ses défauts, ses travers tout autant que ses qualités. Ville qu’il aurait peut-être du mal à reconnaître aujourd’hui, tant elle s’est transformée en vitrine impeccable pour le touriste de passage. Sébastien Izzo le dit aisément : « Cela lui aurait déplu, tous ces bateaux de luxe qui arrivent dans le port, mais il aurait été content pour la ville aussi de la voir s’embellir. » L’âme de Marseille, il a su si bien la décrire et, Sébastien l’assure, il aurait été un porte-voix prêt à s’élever contre les injustices actuelles et les montées nationalistes — notamment en lien avec les futures élections. On pourrait aisément l’imaginer prendre position face à l’incurie de la Mairie concernant le drame de la rue d’Aubagne ou encore le sort réservé à l’accueil des migrants. Personnage haut en couleurs, son statut de journaliste militant aurait fait du bien à une ville qui aujourd’hui se cherche des repères, des modèles. Qui pourrait être aussi audacieux aujourd’hui pour défendre le cœur de Marseille, tout autant que ses quartiers, son art de vivre, son ouverture ?

Malgré un individualisme plus marqué, poursuit Sébastien, l’art de vivre à la marseillaise et à la Fabio Montale perdure. Ce Marseille idéalisé existe encore et on peut en savourer les contours en relisant l’œuvre de l’auteur. Sébastien avoue que le public des ItinéraireS est plutôt « quinquagénaire, voire quadragénaire » car il a grandi avec lui et parce que « les jeunes ou les nouveaux Marseillais sont surtout attirés par d’autres supports culturels. » Pour autant, et c’est ce que désire Sébastien, ils auront peut-être la chance de découvrir son père au travers de ses œuvres présentées dans des lieux publics, au détour d’une rue ou dans un bus, et pourront se laisser charmer par cette écriture franche, forte et nostalgique à la fois, à l’image de la personnalité de son auteur.

Ainsi, La Ciotat a pu mettre l’homme à l’honneur début janvier en exposant les planches de BD des Marins Perdus de Clément Belin. Les ItinéraireS de Jean-Claude Izzo nous ont aussi conduits jusqu’aux Goudes, port mythique bien souvent décrit avec amour dans la trilogie. Les bal(l)ades musicales en mer y ont rencontré un franc succès grâce à des mises en musique et en lecture par des artistes tels que Papet J. Riche de cet engouement, l’itinéraire n’est plus le même que celui décrit dans le dossier de presse initial et il a continué à s’écrire au fur et à mesure des envies, des rencontres. En témoigne le festival du film Nouv.o.monde de Rousset, qui proposera une soirée spéciale en mars prochain. Avant cela, le début d’année s’avère riche en événements, notamment dans les locaux de La Marseillaise où, après une série de concerts gratuits, on peut encore découvrir (jusqu’au 26 janvier) photos de famille, livres et objets, planches de BD des Marins Perdus, éléments sonores et vidéos. D’autres lieux sont investis afin que le spectateur puisse se construire son propre itinéraire, comme le cipM jusqu’à mi-février ou encore l’Alcazar jusqu’au 1er février. Pour conclure le projet initial, le point d’orgue de ces manifestations sera la pose de la plaque à son nom le 26 janvier au Panier, lieu chargé en symboles, autant pour les Marseillais que pour Jean-Claude Izzo.

 

Cécile Mathieu et Olivier Perchoc

 

Izzo, ItinéraireS : jusqu’en mars à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône.

Rens. : http://jeanclaude-izzo.com/izzo-itineraires