Jack de Marseille au Cabaret Aléatoire
New Jack
Jack de Marseille sort enfin un album à la hauteur de sa réputation de DJ. Et redonne à son nom le lustre qu’il avait un peu perdu en cours de route, à l’aube de ses vingt ans de carrière.
On ne l’attendait plus. Boudé par la critique depuis son premier album, poussé sur le bas-côté par les cadors de la « minimale », bloqué dans sa progression du fait de problèmes divers, Jack de Marseille était à la traîne. D’ailleurs, on ne savait plus très bien qui il était. D’un côté, l’égal d’un Laurent Garnier : un DJ techno de référence, vétéran des premières raves, toujours booké un peu partout pour ses mixes impeccables. De l’autre, un doyen au look étudié, un peu distant, accusé un temps de chasser sur les terres de Guetta ou Sinclar. Net problème d’image. Et puis, ces deux dernières années, on a recommencé à voir son nom garnir régulièrement l’affiche de petites salles locales. Jusqu’à ce nouvel album. Excellent de bout en bout. Pas révolutionnaire en soi, mais profond, sincère, et surtout marqué par un bond en avant énorme sur le plan de la production. Inner Visions, ou comment Jack réussit enfin à faire mentir l’adage — celui qui stipule fort justement qu’un bon DJ ne fait pas nécessairement un bon producteur. « C’est une réinterprétation de mes influences — Chicago, Detroit, Berlin — qui se rejoignent parfois au sein d’un même morceau. Mon métier de DJ intervient là, dans cette interactivité : mes sets nourrissent ma musique, comme le font aussi mes rencontres, mes voyages. (…) Il y a plus de sagesse et de bien-être au fond de moi aujourd’hui. En cela, c’est un disque plus spirituel. » Comment « l’autre » parrain de la techno française a-t-il pu redresser la barre ? Comment est-il parvenu à ce résultat aussi cohérent que maîtrisé ? Deux éléments fournissent pour lui une première explication : son travail de remix pour d’autres artistes issus d’horizons divers, et l’arrivée sur le marché de nouveaux logiciels facilitant le processus créatif. On est loin du précédent disque, sans âme, noyé dans la masse. « Ce premier album ne me ressemblait pas vraiment, c’était juste une collection de morceaux dancefloor, un premier jet… de DJ. J’ai traversé par la suite une période difficile : problèmes de santé, mort d’un proche, séparation, dépression. J’ai dû faire un gros travail sur moi-même pour réintégrer la scène club locale, car je renvoyais l’image d’un type qui se la pétait — alors que je ne faisais que me protéger. Et petit à petit, j’ai repris confiance en moi, me nourrissant de cette ville à nouveau… » Jack a dû repartir sur de bonnes bases. Jack a dit qu’il avait retrouvé le goût du risque. Jack est un garçon sensible, et tout le problème des individus sensibles, c’est qu’ils n’arrivent généralement pas à communiquer leurs émotions comme ils le souhaiteraient, balançant des signaux en contradiction totale avec ce qu’ils peuvent ressentir au plus profond d’eux. Inner Visions, somme atemporelle de deep-tech-house aux accents dub, est bien la preuve que rien n’est immuable.
Texte : PLX
Photo : Robert Bilbil
Le 26/03 au Passe-Temps et le 17/04 au Cabaret Aléatoire avec Damian Lazarus.
Dans les bacs : Inner Visions (Wicked/Module)
www.myspace.com/jackdemarseille