Jazz sur la Ville, 6e édition à Marseille
Swing local, groove global
?Dans une région gangrenée par la culture festivalière estivale, Jazz sur la Ville reste un foyer d’utopies.
?Des opérateurs plus ou moins « autorisés » qui se rassemblent autour de la diffusion de la note bleue ? Des opérateurs qui investissent pour l’occasion des lieux spécifiques au jazz comme le Cri du Port, ou bien des espaces ouverts au bœuf comme le Planet Mundo Kfé, voire de plus grandes scènes comme le Cabaret Aléatoire ou l’Espace Julien, sans oublier l’Embobineuse ? Belle gageure. L’opiniâtreté de Thierry Maucci, saxophoniste et infatigable soutier du jazz marseillais, semble compter pour beaucoup dans cette fédération automnale de swing : quoi de plus normal de la part de celui qui initia les jam sessions de la Plaine (à l’Intermédiaire), et qui n’a de cesse de creuser les liens entre jazz des origines et free… Il faut dire que les structures à vocation « jazzistique » de la ville ont réussi à ouvrir un espace propice à l’expression des diverses tendances de cette musique. Côté programmation, les cordes frottées seront à l’honneur, en partie grâce aux interventions classiques et classieuses du quatuor Améthyste, ainsi qu’aux diverses prestations de la bande à Emmannuel Cremer, violoncelliste tellurique. Bien évidemment, l’emblématique contrebasse sera présente, tenue d’une main de maître par l’imposant Claude Tchamitchian (tendre géant de la quatre cordes), pour une rare apparition en solo. Loin d’être hermétique, le réseau jazz phocéen se produira dans des esthétiques variées, combinant urgences de l’improvisation et exigences spirituelles, tout en mobilisant un large public. Ainsi, en 2011, Jazz sur la Ville évitera de réactiver la querelle des anciens et des modernes. En témoigne la présence de l’époustouflant Vincent Strazzieri (en trio) qui fait écho à celle des frères Florens, naguère compagnons de route de Chet Baker, désormais accoquinés avec le trompettiste planétaire Eric Le Lann pour de superbes occasions (notamment à l’Alcazar). Il sera donc question de transmission entre générations, à l’instar du combo (visuel et musical) Falenji, dans un univers éthiopique, et Ahmad Compaoré, avec DJ Rebel, tous deux instigateurs d’un goûter jeune public. Le pianiste italien Giovanni Mirabassi fera quant à lui figure d’emblème au sein des engagements progressistes des tenants jazz… Alors, on peut éventuellement déplorer le peu d’espaces dévolus aux jam sessions ou l’oubli de nouveaux lieux (comme le Rouge Belle de Mai, dont les concerts jazz devraient l’imposer comme l’un des spots les plus en vue de la cité)… Mais il faut bien l’avouer, cette nouvelle cuvée de Jazz sur la Ville s’annonce d’ores et déjà exceptionnelle.
?Texte : Laurent Dussutour
Photo : Vincent Strazzieri par Margaux Mare?cat
Jazz sur la Ville, 6e édition : du 1er au 16/10 à Marseille. Rens. 04 95 04 95 61 / www.myspace.com/jazzsurlaville