Retour sur Une exposition collective, trois propositions à agencer dans le désordre, où l’on retrouve d’une manière indirecte le savoir faire de François-Michel Pesenti… (lire la suite)
Retour sur Une exposition collective, trois propositions à agencer dans le désordre, où l’on retrouve d’une manière indirecte le savoir faire de François-Michel Pesenti
La force du montage, c’est de pouvoir assembler des matériaux contraires par le jeu de la dissonance, et de nous les restituer dans une œuvre accomplie. Dans Une exposition collective, les contraires sont la vidéo, Les Perses d’Eschyle et le big band. Le corps se jette nu sur la scène, un coup de feu déchire l’espace, une femme prend son temps dans les rues de Lisbonne et Peter Sellers nous chuchote sa fausse timidité. Ce n’est pas de l’écriture automatique, ici, la complexité du montage est raisonnée, mais l’improbable fiction qui se met en place ne suit pas la ligne d’un synopsis. Les quatre actes sont plutôt quatre tableaux comme autant de périmètres de jeux et de non-jeu. Une exposition collective suit la trace de Tadeusz Kantor, et plus près de nous de François-Michel Pesenti, dont certains comédiens manifestent leur présence dans ce projet. Là, se pose la question de l’écriture (celle du dramaturge) et la proposition de l’interprète négociant sa liberté sur scène. Par des entrées et des sorties de scène : seul, puis deux, puis trente, le théâtre devient un carrefour, un assemblage urbain où le collectif donne de la voie dans des différences d’humeur et d’idées, dans des ententes et des faux bonds, dans un regard du public qui magnifie la présence du comédien. L’humanité se cherche et se montre par l’apparat des accessoires, sous un manteau de fourrure, derrière un micro, sur le velouté d’une guitare électrique. Une forme de dilettantisme suit ses envies dans une bonne humeur qui rit de nous sous l’apparence du masque. Le XXIe siècle est-il le siècle de l’improbable et du collage ? Celui de la réappropriation dans le prolongement du pop art et du postmodernisme ? A bien regarder l’actualité et le formatage du 20H, il semblerait que la force de la fiction (celle qu’on tente de nous faire croire) tient plus de l’information de masse et du diktat des religions que de la singularité d’une œuvre. Disons plus clairement, que l’on se fout de la réalité et que ce qui compte, c’est mon histoire, la tienne, la sienne. Alors comment s’entendre, ou plutôt se comprendre ? En essayant plusieurs langues, plusieurs costumes, plusieurs endroits et plusieurs manières de s’imposer ou de se taire ; de se plaire et d’avancer dans un pas de deux. Les tableaux de Piccabia nous ont appris la complexité d’un seul peintre, Une exposition collective nous apprend l’accord et le désaccord dans l’ironie du maniérisme et du narcissisme.
Texte : Karim Grandi-Baupain
Photo : Danielle Bertotto
Une exposition collective : Les Perses (Cie Radiateur), La revue Serenade (Cie L’art de vivre) et Müller Machine (Cie in Pulverem Reverteris) a été présenté les 10, 11, 24 et 25/02 au Théâtre des Bernardines.