Je voudrais être légère au Théâtre des Bernardines
En apesanteur
Après une première forme présentée aux Argonautes, la compagnie Lalage livre une création plus affirmée de Je voudrais être légère dans la chapelle des Bernardines. Une partition à trois mains pour une comédienne sans paroles, une danseuse et une marionnette dépouillée au regard troublant, le tout orchestré par le regard aiguisé du metteur en scène Alain Fourneau.
Dans une ambiance mystérieuse, une femme sans âge aux cheveux rouges nous déclare, dans son costume de fête, qu’elle ne veut pas jouer. Elle voudrait être légère. De quoi se sent-elle alourdie? Du théâtre et des acteurs, «emballages fraîcheurs garantis» engoncés dans leurs habitudes et dans leur mécanique trop bien huilée.
Dans ce manifeste contre le théâtre dans sa forme mimétique, Elfriede Jelinek, écrivaine aussi controversée qu’admirée, interroge l’ensemble de la communauté théâtrale, créateurs et spectateurs, sur notre rapport au théâtre, à l’art et à la vie. A quoi se raccroche le théâtre quand on tend à l’étouffer et qu’on parle de sa mort?
Dans le contexte actuel de crise, ce texte dénonce la culture de masse, le théâtre du spectaculaire contre celui du sensible et l’entrée en concurrence de la machine-média sur l’humain. A la question sous jacente « l’art est il nécessaire ? », la réponse en sera d’autant plus artistique. Loin de toute interprétation univoque, les mots de Jelinek viennent se frotter à d’autres langages comme celui de la danse, portée par l’élégance étrange de poupée cruelle de Carol Vanni. Le temps théâtral, quelque peu suspendu, laisse respirer et s’entrouvrir un nouvel espace sensible dans lequel s’inscrit une histoire parallèle faite de corps projetés et riants, de gestes éphémères et de quelques notes de piano.
Ce qui transpire de cette charge aux mots de plombs, c’est le sentiment intense de vie et d’appétit pour les émotions vraies qui se dégage des comédiennes et nous invite à une célébration joyeuse!
Texte : Coline Trouvé
Photo : Pierre Palmi
Je voudrais être légère : jusqu’au 14/02 au Théâtre des Bernardines (17 Bd Garibaldi, 1er). Soirée spéciale le 12, suivi d’une carte blanche cinéma à Maeva Aubert. Rens. 04 91 24 30 40