Jean-Baptiste Ganne, Acta est fabula
A l’économie
L’exposition réalisée par Jean-Baptiste Ganne à Vidéochroniques réalise un tour de force étonnant : l’art se déploie et s’entend partout bien qu’il use d’une économie de moyens et de matériau. Acta Est Fabula : la pièce est jouée et pourtant, c’est bien à cette condition que l’art peut ici fonctionner.
Avec Jean-Baptiste Ganne, la démarche est bien rôdée et peut se résumer ainsi : épurer les éléments matériels et durables au profit des modes d’action et d’inscription éphémère de ces actions dans l’espace de l’art, multiplier les prises sur le social et le politique en créant de nouveaux réseaux de sens. La première salle d’exposition est recouverte d’un immense tapis sur lequel figurent au centre des cercles concentriques, qui peuvent être perçus aussi bien comme une reprise de la figure de la cible dans la peinture abstraite qu’évoquer la reproduction d’un tapis de lutte gréco-romaine ou encore nous indiquer l’endroit où nous placer… Et pourtant, c’est seulement en nous déplaçant que nous pouvons voir les traces laissées sur les murs de cette même pièce. En effet, Ganne recouvre ceux-ci de graffitis inscrits originairement dans le quartier du Panier, aux résonances nettement contestataires envers l’ordre établi. Mais cet acte de réappropriation se fait ici au prix d’un effacement : traces blanches sur un mur blanc… Dans cet espace de l’art scénarisé sans pièce à regarder car elle est déjà jouée, il n’y a plus la place pour une surcharge d’objets créés, mais plutôt pour des inscriptions, des sonorités, des clignotements lumineux, comme pour mieux laisser place à une décharge de sens qui se déploie telle une décharge d’énergie. La dynamique des gestes et des mouvements effectués par le spectateur pour expérimenter l’espace de la création fonctionne comme une invitation à ne pas se figer, à ne pas rester dans les sentiers balisés. Comme pour mieux éprouver la dynamique inter-expressive de nos formes de vie qui, en se cristallisant dans des champs d’expérience et de pensée différenciés (art, société, économie, politique, etc.), se réifient et finalement tournent en rond. Or, avec Ganne, le sens semble bien à la fois adhérer au contexte et susceptible de migrer, de se déplacer, de circuler, de rebondir. C’est bien ici l’économie des moyens qui permet une explosion du sens.
Elodie Guida
Dernière minute : l’exposition de Jean-Baptiste Ganne, Acta est fabula, qui devait se tenir jusqu’au 9/04 à Vidéochroniques (1 place de Lorette, 2e), est malheureusement suspendue jusqu’à nouvel ordre en raison d’un cambriolage de la galerie. Rens. 09 60 44 25 58 / www.videochroniques.org