Jean-Pierre Nadau à la Galerie Polysémie et à l’Atelier du Dernier Cri
Le labyrinthe de Jean
Actualité chargée pour Jean-Pierre Nadau, artiste autodidacte à l’univers foisonnant, qui expose actuellement à la galerie Polysémie et à la Friche, dans l’Atelier du Dernier Cri. L’occasion de découvrir cet artiste et son nouveau recueil de dessins, Tirebouchon, particulièrement représentatif de son univers labyrinthique à l’encre de Chine.
Qu’il s’agisse d’une exposition dans un atelier d’artiste à l’accrochage brut ou de la linéarité surgissant du white cube, l’œuvre dessinée de Jean-Pierre Nadau en impose. L’usage presque exclusif de l’encre noire sur fond blanc intensifie un sentiment d’œuvre illimitée, presque insondable.
Jean-Pierre Nadau découvre le dessin au côté de Chomo, l’artiste ermite de la forêt de Fontainebleau. A l’instar de celui qui se dit « gouverné par les forces cosmiques », Nadau se détourne de l’art officiel. C’est notamment pour cette liberté de composition que l’artiste est répertorié parmi les « Singuliers » (mouvement fourre-tout qui revendique la spontanéité et refuse l’art « officiel » émanant des beaux-arts). Mais au-delà de cette manière d’aborder l’art, c’est toute une esthétique naïve et circulaire, faite de mysticisme, dont on ressent l’influence.
Face à une œuvre de Jean-Pierre Nadau, notamment Lattingtown, on se laisse envahir, on se plait à se perdre dans la profusion de lignes, de chimères, de visages multiples, d’architectures insensées… Plongeant dans cet imaginaire incisif, on croit comprendre un fragment de l’œuvre quand tout à coup d’autres proliférations nous sautent au visage et bouleversent les codes que l’on avait cru déchiffrer. Un alphabet sauvage rappelle les écritures précolombiennes, quand d’autres œuvres s’approchent de l’illustration, ponctuées de textes souvent délirants, parfois poétiques. Le travail de Jean-Pierre Nadau se ponctue de mille symboles picturaux s’accumulant, sans débordement, dans une ferveur asymétrique.
Entre animaux cauchemardesques et sexualité exacerbée d’hommes volontairement perdus dans cet univers décalé, l’œuvre de Jean-Pierre Nadau suscite la curiosité autant qu’elle attise l’intellect — à son corps défendant. Et si l’œuvre était simplement là pour nous submerger et nous faire perdre toute notion du temps, ne serait-ce qu’un instant ?
Elise Lavigne
Jean-Pierre Nadau : jusqu’au 18/03 à la Galerie Polysémie (12 rue de la Cathédrale, 2e.
Rens. 04 91 19 80 52 / www.polysemie.com/) et jusqu’au 12/04 à l’Atelier du Dernier Cri (Friche La Belle de Mai, 41 rue Jobin, 3e.
Rens. 04 95 04 96 49 / www.lederniercri.org)