Jean Zay par la Cie Tetra Art au Théâtre Toursky © Robert Terzian

Jean Zay par la C<sup>ie </sup>Tetra Art au Théâtre Toursky

L’Interview
Raymond Vinciguerra

Après sa mise en scène de La Chute d’Albert Camus, Raymond Vinciguerra revient avec un nouveau projet consacré à Jean Zay, homme politique assassiné par ses geôliers miliciens en 1944.

 

Comment l’idée de cette nouvelle aventure théâtrale a-t-elle surgi ?
D’une rencontre avec Jean-Manuel Bertrand à l’occasion de La Chute de Camus, que j’avais monté au Théâtre Gyptis. Nous avons en commun cette passion de l’histoire ; il avait un projet sur Jean Zay et nous avons décidé de travailler à quatre mains sur l’écriture, et que j’en assure la mise en scène.

 

Comment s’est construit le texte, pour lequel vous parlez de « mise en fiction » ?
Tout est parti du livre de Jean Zay, Souvenirs et solitude… (éditions Belin) Tout ce que dit le personnage dans la pièce, ce sont les propres mots de Jean Zay. Autour, nous avons créé et fait graviter d’autres caractères : l’homme de Vichy, le gardien de prison, qui est un ancien de 1914, un jeune dont on suit le parcours dans la milice et une femme qui, elle, est d’aujourd’hui et commente avec le recul…

Faites vous un lien entre Jean-Baptiste Clamence (le personnage de La Chute) et Jean Zay ? Y en a-t-il un d’ailleurs ?
Il y en a un : l’interrogation de l’homme par rapport à une société. Comment se positionne-t-on et comment peut-on mettre l’homme au centre ? Zay avait cette forme d’humanisme… ancrée dans le réel ! Il y a aussi le point commun de la résistance : comment l’homme peut-il résister aux éléments et rester fidèle à lui-même ?

Est-ce que pour vous, dans le contexte actuel, parler de Jean Zay est un acte de résistance ?
Absolument ! Il y avait dans son assassinat la volonté de le faire disparaître, non seulement de son époque mais de l’histoire, lui et ce qu’il représentait. Quand nous avons démarré le projet, il y avait une indifférence teintée de mépris puisque la mémoire de Zay n’était pas près d’être réactivée. Et c’est toujours un peu ingrat d’œuvrer entre devoir de mémoire, spectacle vivant, réflexion sur les événements et toujours en positionnant l’humain au centre de cette réflexion… Pour nous, il était important de rappeler que, par-delà l’adversité, il y a des hommes de bonne volonté, capables d’être visionnaires et de fédérer les énergies pour en tirer le meilleur.

Jean Ferrat chantait Ma France, et l’on a l’impression en regardant le parcours de Jean Zay, ses amis, ses alliés, qu’il est le représentant d’une France particulière et que son assassinat cristallise l’affrontement de deux France…
Il était important pour nous de ne pas tomber dans le manichéisme, puisque le propos se veut humaniste, en gardant à l’esprit que tout le monde peut tomber dans des travers extrêmes. Si le diable était cornu et fourchu, tout le monde le repérerait et l’éviterait. Non ! Il y a une séduction de diable, quelque chose d’insidieux, de l’ordre du poison. C’est ce qui fait basculer les consciences et les êtres. Nous sommes tous au bord de ce précipice… Quand on fait un travail de mémoire, c’est pour rassembler, pas pour diviser. Je ne serais pas un artiste si je faisais un manifeste politique, si je tentais de donner une leçon. Notre propos, c’est de dire : « Voilà l’histoire telle qu’on l’a connue, telle que faite par les vies de gens de convictions, de quelque camp qu’ils soient…» Après, c’est à chacun de s’en emparer…

Propos recueillis par Frédéric Marty

Jean Zay par la Cie Tetra Art : le 17/10 au Théâtre Toursky (16 promenade Léo Ferré, 3e).
Rens. 04 91 02 58 35 / www.toursky.org / www.mp2013.fr

Et aussi le 19/11 au Théâtre La Colonne (Miramas).
Rens. 04 90 50 66 21 / www.scenesetcines.fr