Jeroens Brouwers – Rouge décanté (Gallimard)
Il est des récits qui vous laissent un goût amer et impriment sur la rétine un éblouissement dont on ne sait nommer la nature. Rouge décanté est de ceux-là. L’expérience que cette écriture esquisse dépasse la commune mesure, elle fixe par fragments la mémoire « précipitée » d’un enfant devenu adulte, autrefois témoin sans complaisance de la formule de Hobbes « l’homme est un loup pour l’homme ». Au cœur de la décantation, l’univers concentrationnaire du camp de Tjideng à Batavia, sinistre décor où se révèle une cruauté raffinée. L’auteur y vécut deux ans en compagnie de ses grand-mère, mère et sœur sous le joug des Japonais, armée d’occupation de l’Indonésie néerlandaise. Sombre et puissant est le chant rauque de ce fils, qui par-delà l’humiliation de sa mère, lui lance un cri d’amour… posthume.
AFH