Jeux contre je à l’Espace Fernand Pouillon

Jeux contre je à l’Espace Fernand Pouillon

expo-JEUX-CONTRE-JE.jpg

Identités remarquables

L’Espace Pouillon de l’Université de Provence abrite Jeux contre je, une exposition dédiée à l’art vidéo. Idéal pour être au frais en se tenant au fait de démarches contemporaines touchantes.

Montée par des élèves volontaires de première et seconde en option Histoire des arts au Lycée marseillais Victor Hugo, cette scénographie sous stores rafraîchissants s’avère efficace et ludique. Après avoir effectué un choix d’œuvres parmi celles du Fonds Régional d’Art Contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur et de l’association Sextant et plus, les adolescents, devenus commissaires d’exposition, se montrent dignes de l’enthousiasme que leur ont fait partager l’enseignante coordonnatrice Nicole Villain et leur proviseur Jean Roger Ribaud. « Par ce projet, le lycée joue son rôle de maillon au milieu de tous les acteurs de la communauté éducative et les habitants du territoire. » Dans le cadre de l’expérience « Comenius – L’Europe des arts, espace des identités plurielles », les « jeunes curateurs », investis malgré des voyages intensifs et des échanges linguistiques avec des établissements scolaires d’Ostende et Pesaro, ont effectué une sélection fine de vidéos accessibles à tous les âges. Une exposition vouée à être accueillie en Belgique et en Italie jusqu’en 2012.
Parfois dérangeantes mais sans violence gratuite, ces réalisations de neuf artistes, présentées avec un souci réel du spectateur (même si des assises supplémentaires auraient été nécessaires), nous entraînent, via un panel puissant, vers une très bonne initiation à l’art vidéo, terrain décidément fertile ! Médiatrice culturelle stagiaire au sein du FRAC, Charlotte Nguyen a formidablement intégré sa formation à l’Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence et son regard aiguisé aiguillera les novices. Des élèves organisateurs assureront également la médiation auprès des visiteurs.
Des frères Turpin, décalés à souhait dans leur pari de faire corps siamois, à l’installation de Marie-Ange Guilleminot, poupée sylphide et doucement agitée du chapeau sur des étagères de statuaires précolombiennes, les interprétations et ressentis iront bon train face à la problématique de l’identité. Chaque œuvre provoque son lot de réflexions profondes autour du « je ». Ainsi de l’enfant camisolé de bleu ciel sur fond capitonné moutarde, qui montera au nez des bien-pensants pour lesquels l’insouciance puérile se barde d’innocence (Don’t let the T-Rex get the children de Maria Marshall), ou de la frénésie warholienne de Claire Dantzer, qui se transforme à coup de maquillage en Marilyn battue. La performance de superpositions de tissus de La contrebandière d’Yto Barrada met en scène une Marocaine en pleine démonstration : elle soulève les dessous d’une économie parallèle incontournable pour couvrir le besoin. Les tics addictifs filmés par le Nippon Takehito Koganezawa enclenchent un bug s’apparentant à la mise à mort électrifiée. Prenant ses grands-parents pour modèles (comme dans sa série Les Octodégénérés), Lionel Scoccimaro nous renvoie une image à la fois drôle et amère de la vieillesse. Enfin, Le cri de Moussa Sarr, bercé par télé interposée sur litanie d’hymne national, stigmatise l’abîme d’une intégration dont la pilule est dure à avaler…
Foncez-y, vous en sortirez les yeux plus ouverts !

Texte : Marika Nanquette-Querette
Photo : Don’t let the T-Rex get the children de Maria Marshall

Jeux contre je
: jusqu’au 28/05 à l’Espace Fernand Pouillon (Université de Provence, Centre Saint Charles, 1 Place Victor Hugo, 3e). Rens. 04 91 10 85 29. Visites scolaires : nicolevillain@free.fr