Kaboom – (USA – 1h26) de Gregg Araki avec Thomas Dekker, Juno Temple, Roxane Mesquida…
Kabbale à Kaboom
Dès les premières scènes, la tonalité ne fait aucun doute : après les parenthèses Mysterious skin et Smiley face, Gregg Araki s’en est allé rejoindre ses premières amours, celles de Doom generation et de Nowhere, revenant sur les rails (de coke) d’une mise en scène foutraque, orgiaque et bancale, toc mais jouissive. La masturbation de Smith, le héros, dans les premiers plans, annonce l’orgasme libérateur : une explosion à venir de psychédélisme et d’imagerie pop — la photographie semble tout droit sortie d’une pochette de Blur, Thomas Dekker rappelant un Damon Albarn ado —, le tout baignant dans un climat de néo-libération (bi)sexuelle. Car sur ce campus, il est rarement question d’études. Comme le rappelle la (sublime) amie de Smith, les années d’adolescence ne servent essentiellement qu’à accumuler expériences et rencontres, espérant apprendre à mieux se connaître. Dont acte au gré de party rédemptrices où sexe et drogues ne cessent de s’entremêler. Mais c’est sans compter sur l’admiration d’Araki pour Lynch, et son désir incessant d’envoyer balader un scénario trop simple dans de lointaines contrées déjantées. Le cinéaste, et c’est l’une des grandes réussites du film, signe alors un scénario loufoque, prenant le contre-pied d’une atmosphère actuellement délétère (l’Amérique s’enferre dans la paranoïa et autres théories du complot) et laissant partir le film en roue libre jusqu’à l’invraisemblable. Un mélange des genres qui devient le meilleur carburant du film, malgré quelques ratés, Araki ne démentant pas ses faiblesses dans le rythme et les dialogues. Qu’importe, ce grand imbroglio fonctionne, les corps participent à l’explosion des sens, la bande originale, omniprésente, ne nous laisse jamais le temps de redescendre, les scènes paranoïaques semblent sorties d’un clip de Bat For Lashes et Greg Araki s’offre le luxe de signer le plus jouissif, tout autant qu’étrange, teenage movie du moment.
Emmanuel Vigne