L’entretien | Biga*Ranx

Nous avons rencontré Biga*Ranx à l’occasion de son passage à Marseille le 6 octobre dernier. Venu défendre son nouvel album Eh Yo ! au Moulin, il a accepté de répondre à nos questions quelques heures avant le concert. Détendu et sympathique, c’est par des « Eh Yo ! Eh Yo ! Eh Yo le Ventilo ! » qu’il a démarré cette interview.

 

 

Est-ce que tu pourrais nous parler de la pochette de l’album ?

C’est Dizzie (le graphiste Dizziness Design, ndlr) et moi qui l’avons faite. On fait du graphisme ensemble depuis qu’on est gamin. C’est un super graphiste, très talentueux. De formation, il est architecte ; il s’est lancé ensuite dans le graphisme et les covers d’album. On est très potes, je vais souvent bosser chez lui. Pour cette pochette, je lui ai fait un petit croquis de ce que je voulais, et il l’a retranscrit sur ordinateur.

 

Il y avait un thème ? Des consignes à respecter ?

Le délire c’était pas de courbes, des aplats de couleurs, quelque chose d’assez naïf. J’avais l’habitude de faire des choses assez analogiques, pas forcément informatiques : je dessine, il scanne et on travaille sur l’ordi. Là, on a décidé de faire quelque chose de purement numérique, et je suis super content du rendu.

 

Pour continuer sur l’univers graphique de l’album, tu as travaillé avec Julius (Jules Gondry, musicien et réalisateur de clips, ndlr) sur quasiment tous tes clips. Tu le connais depuis longtemps ?

En fait, j’ai découvert son frère Bifty à l’occasion de la sortie de son freestyle Jamaican « Souye » Trap, sorti en 2016. J’ai adoré et du coup, je les ai contactés. Je sentais qu’il y avait quelque chose à connecter, on était dans le même délire. En plus, c’est deux frères comme Atili et moi. On s’est rencontrés et on a bien accroché. On s’est d’abord vu sur des dates, on a fait quelques morceaux. Ensuite, il a monté des clips pour moi, pour finalement réaliser les clips de cet album.

 

Comment vous avez travaillé ensemble, Dizzie, Julius et toi ?

Par exemple, sur le clip de Montpellier, Dizzie a fait des images. Il y a aussi Thêta (Damien Medrano, graphiste, ndlr) qui a participé. Et Julius l’a monté. On a fait ce clip dans le cadre d’une date à La Réunion, pour le festival Sakifo. On a découvert qu’il y avait sur l’île le parc des palmiers, qui s’avère être la plus grande collection de palmiers au monde. Et du coup, on a sorti une caméra VX 2000 et on est allés faire le clip là-bas. C’est Lousky qui a filmé. C’est donc le clip avec le plus de palmiers au monde (rires).

Donc en fait, on est plein, chacun apporte sa pierre à l’édifice. Et moi je suis derrière tout ça, je suis un peu le brain du truc.

 

Eh Yo ! est l’album sur lequel tu chantes le plus en français. C’était quelque chose de réfléchi ?

Non, ce n’est pas prémédité ni conceptualisé. J’aime encore faire de l’anglais, mais le français ça me parle beaucoup, surtout dans mon style vapor dub.

Je trouve ça chouette de mélanger des textes poétiques, travaillés, influencés par la chanson française « écrite » à la Cabrel, avec quelque chose de chose d’urbain, tout ça mis sur du dub, avec une ambiance lo-fi et minimaliste. Je trouve que ça fonctionne bien.

 

En parlant de Cabrel, tu as sorti il y a quelque temps une reprise remarquée de Petite Marie. Il y a d’autres influences qui t’ont marqué récemment ?

Ouais, moi j’aime bien tous les lyricistes. Il y a les classiques, les Ferré, les Brassens… mais celui qui m’a le plus influencé, c’est Cabrel. J’aime beaucoup sa manière d’écrire, c’est très punchlines.

 

Est-ce que le fait d’avoir écrit en français t’a permis d’aborder de nouveaux sujets ?

Complètement. Mais c’est plus dur d’écrire en français. Aujourd’hui, j’entends plein de trucs qui ont une approche vraiment très naïve de la langue française, notamment dans la musique urbaine. Les mecs ont des lyrics très brutes et peu élaborées en soit.

Mais nous, on a grandi avec le hip-hop français qui était plus écrit, plus recherché au niveau des paroles avec les Time Bomb, les Oxmo, les X-men, avec des allitérations, des assonances, des vraies figures de style qui faisaient que la langue sonnait vraiment bien, et que tout ce qui était trop simple nous paraissait gnangnan.

 

Dans les thèmes, on sent que tu te livres un peu plus sur ton vécu, ta vision du monde.

Oui, ça vient plus facilement en français. Et puis, avec le temps, tu as envie d’exprimer autre chose. Ça me permet d’exprimer des choses plus approfondies sur moi-même, plus internes. Pas plus sincères, mais plus intérieures.

 

Comment tu as fait pour travailler sur cet album ?

Je produis énormément de pistes, plein de morceaux plus ou moins aboutis… et à la fin, il faut en choisir quatorze. Parfois à contrecœur.

 

Est-ce que tu sélectionnes toujours dans les morceaux que tu es en train de travailler, ou bien est-ce que tu peux aller chercher des morceaux que tu avais écrits par le passé ?

Des fois, je recycle des trucs, oui. Ça m’arrive d’aller piocher des chutes d’anciens morceaux en mode « écolo » (rires).

 

Propos recueillis par Grégoire Mothe

 

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