La Distance qui nous sépare par la Cie l’Entreprise
Ensemble, c’est tout.
Les comédiens de la compagnie l’Entreprise revisitent leur propre histoire en convoquant leurs aïeux sur une scène hors du temps dans une nouvelle création subtile et captivante.
Quand la lumière s’allume, ils sont déjà là, à nous faire face : « Je m’appelle Catherine Germain, je suis née en1963 »… « Je m’appelle Laurent Ziserman »…
Ils sont cinq et s’adressent à nous, déclinant nom, prénom, lieu et date de naissance. Leur parole est frontale et sur scène, il n’y a rien à part eux, car il n’y a pas d’histoire à mettre en scène, pas de décor, pas de personnages en dehors d’eux. Ils sont l’histoire, ils sont tous les personnages, ils sont le théâtre. Ça pourrait faire un peu peur mais, très vite, les détails anthropométriques font place aux souvenirs, qui les définissent bien plus que leur poids ou leur âge. Instantanément, on sent la complicité, l’humour et la tendresse vibrer entre eux. Leur présence devient captivante.
Devant nous, au-delà des époques et des frontières, ils vont faire revenir et vivre les personnes qui les habitent et qui les ont faits. A mesure que les visages changent et surgissent, la scène et le temps gagnent en épaisseur. Un grand-père moldavien furieux d’avoir été convoqué par son arrière-petit-fils, un frère qui ne vient jamais voir sa sœur au théâtre et qui ne sait pas trop où se mettre, un père autoritaire, une tante aux pieds nus dans la mer… Ils sont tous là, parlent entre eux, surpris de se croiser, ou bien s’adressent aux comédiens. C’est léger, touchant, souvent drôle et à aucun moment, le fil subtil du spectacle ne se perd dans le pathos, le souvenir clichetonneux ou la nostalgie figée. Parce qu’il faut les voir, ces cinq-là, troupe de comédiens, sacrés garnements, bande de vieux copains, s’écouter, s’attendre, d’un mot s’encourager à se dévoiler avec pudeur et sans jamais de moquerie. Et finalement, c’est bien ça le plus émouvant de la pièce : l’immense attention, le respect sans condition qu’ils s’offrent l’un à l’autre et pour finir, en tissant un espace de mémoires et de paroles où chacun a sa place, offrent à tous, vivants ou mort.
Texte : Aubierge Desalme
Photo : Xavier Brousse
La Distance qui nous sépare par la Cie l’Entreprise : jusqu’au 24/03 à la Cartonnerie (Friche la Belle de Mai, 41 rue Jobin, 3e).
Rens. Théâtre Massalia : 04 95 04 95 70 / www.theatremassalia.com