La Fabrique des Possibles au FRAC
Le Fonds des choses
Le 26 mars dernier, le FRAC nouvelle génération, dont la façade de pixels de verre gardait précieusement le secret de l’intérieur du bâtiment imaginé par Kengo Kuma, ouvrait enfin ses portes. Inauguration en grandes pompes où se ruait tout le petit milieu de l’art contemporain (mais pas que), légèrement contrarié par la performance enfumée de Fouad Bouchoucha et ses bâtons de dynamite. Entre solennité et impertinence, le ton du nouveau FRAC était donné.
Le nouvel écrin architectural du FRAC PACA se déploie sur plusieurs niveaux d’expositions. A l’extérieur, les mille cinq cents plaques de verre donnent à la façade une allure d’image de synthèse « pixelisée », dont les couleurs jouent avec la lumière naturelle, changeant tout au long de l’ensoleillement d’une journée marseillaise. A l’intérieur, l’ambiance plus « indus » incombe à des matériaux sobres et archétypaux : fer, verre, béton. Si, de l’extérieur, le nouveau FRAC semble s’étaler sur toute la largeur de l’îlot d’habitation, à l’intérieur, on saisit physiquement la réflexion portée sur les espaces de circulation. Des escaliers aux terrasses intermédiaires (dont la promiscuité visuelle avec les habitants de l’immeuble d’en face ne manque ni d’intérêt ni d’audace), le visiteur a, dans sa circulation entre les différents niveaux, le sentiment de monter toujours plus.
Le week-end d’inauguration était aussi l’occasion de découvrir gratuitement la première exposition, La Fabrique des possibles, condensé d’indications sur la ligne artistique souhaitée par Pascal Neveu pour le nouveau Fond régional d’art contemporain. Les principales méfiances se cristallisent alors autour de la question de la place accordée aux artistes marseillais aux dépens (peut-être) de stars plus en vogue. Satisfaction donc de voir l’une des missions du FRAC remplie : soutenir la création régionale par le biais d’acquisitions et de commandes. Pascal Neveu insiste sur la dimension « laboratoire » de son établissement et réussit un commissariat qui combine des œuvres historiques d’artistes « références » comme Panamarenko, Klein, Stanley Brouwn ou Richard Baquié (à qui toute une salle est dédiée) et des productions d’artistes pas encore entrés dans l’histoire de l’art, comme Rémi Bragard, Bettina Samson, Marc Etienne, Fouad Bouchoucha, Anthony Duchêne ou Nicolas Floc’h. Cette dimension « expérimentale et prospective » permet, en reliant les pièces les unes aux autres, une réflexion sur les expériences communes entre art et science, idéologie et utopie. Une dimension également contenue dans les partenariats entre certains artistes et les laboratoires scientifiques et universitaires de Château Gombert, avec lesquels sept artistes marseillais travaillent depuis 2010. Tel est le cas de Yannick Papailhau, « en binôme » avec l’observatoire de Haute-Provence, dont la pièce s’impose quand on entame la visite. Une profusion de documents écrits, dessinés, photographiés se répandent sur des immenses panneaux imitant les racks de rangement des œuvres d’art dans les réserves. On part un peu découragés devant l’afflux d’informations, à la recherche d’une porte d’entrée, presque prêts à renoncer… Et soudain, on réalise que se tient devant nous le journal de bord de son expérience chez les astronomes, moulinée avec humour par sa pratique artistique du dérisoire et du prétexte. Il se replace ainsi au centre de l’aventure en tant « qu’observateur s’observant lui-même ». Un peu comme le visiteur qui déambule dans ce nouveau FRAC…
Céline Ghisleri