La Grande et Fabuleuse Histoire du Commerce par la Cie Louis Brouillard
L’art du mensonge sort du Brouillard
Avec La Fabuleuse Histoire du Commerce, la compagnie Louis Brouillard ancre un peu plus son théâtre dans la réalité, en montrant comment les VRP sont de vrais faux acteurs et vice-versa.
A l’issue de la représentation, certains spectateurs se montreront sans doute perplexes, voire désorientés. Le temps de l’inoubliable onirisme des pièces Je Tremble ou Cercles Fictions semble en effet révolu. Joël Pommerat use certes de sa technique éprouvée, déplaçant très rapidement le décor comme les personnages lors des extinctions de lumière. Mais ici, aucun artifice sonore ou matériel ne vient ouvrir les portes de notre imagination. Et ce choix assumé du premier degré divisera nécessairement ceux qui ont suivi le parcours du metteur en scène.
Cinq comédiens jouent alternativement, sur deux époques, le rôle de représentants de commerce se racontant leurs journées de travail. Au naïf débutant dans le métier face à ses quatre aînés expérimentés succède ainsi un jeune loup devant former des seniors qui ne prennent pas trop au sérieux leurs premiers échecs de vendeurs. La roue tourne, comme le mobilier de l’hôtel sur scène, mais la fabrique du mensonge traverse quant à elle le temps sans changer de véhicule. Comme un comédien devenant personnage et qui doit en convaincre le public, le VRP enfile un costume de personnalité lors de sa tentative de vente. Une différence, de taille, est que la vie du personnage s’arrête avec son spectacle alors que le vendeur peut avoir du mal à enlever sa deuxième peau de commercial, semble nous dire le metteur en scène. Qu’importe le produit à vendre, un pistolet tirant des balles à blanc ou un guide des droits humains, les succès de ces commerciaux sont irrémédiablement dus à la proximité qu’ils ont su établir avec les clients potentiels. Mais trouvent-ils réellement mignons les chiens de cette femme ou s’agit-il uniquement d’une vérité construite pour séduire ? C’est de cette bipolarité du VRP que naît certainement sa difficulté à maintenir une vie privée saine ou à faire confiance à ses collègues. Pourtant, losers et winners font partie du même monde, comme le rappelle le happy end, compréhensible sur le fond mais discutable sur la forme, à l’instar de la pièce.
Guillaume Arias