La Faute à Fidel – (France – 1h39) de Julie Gavras avec Nina Kervel-Bey, Julie Depardieu…
Fut un temps où des mots tels que communisme ou socialisme n’avaient pas que l’aspect d’une matière vague. La rue ne trahissait pas leurs noms. Elle les portait, les inscrivait en lettres pourpres sur des banderoles portées haut. Epoque bénie… (lire la suite)
En avant, Marx !
Fut un temps où des mots tels que communisme ou socialisme n’avaient pas que l’aspect d’une matière vague. La rue ne trahissait pas leurs noms. Elle les portait, les inscrivait en lettres pourpres sur des banderoles portées haut. Epoque bénie où l’on y a cru… Julie Gavras, fille de Costa, réveille ces années-là avec sincérité, sans pour autant se montrer optimiste. Elle met à distance les images d’Epinal, une des chausse-trappes qui guettait le film.
Paris, 1970. Anna, dix ans, vit dans un milieu ultra-bourgeois : école privée, respect des modèles à la virgule près. Mais, peu avant les élections présidentielles qui verront Salvador Allende être élu, ses parents partent au Chili. Ils en reviendront « rouges », abandonnant un certain confort, s’impliquant dans divers mouvements radicaux. Anna ne comprendra, s’offusquera, réagira violemment : pourquoi ses valeurs vieille France, gaullistes et catholiques (celles de ses origines) ont-elles moins de crédit que celles de barbus progressistes ? Jamais didactique, La Faute à Fidel dose impeccablement le rapport entre conservatisme et gauchisme. Julie Gavras tente de questionner un maximum de points de vue, ce qui l’empêche de basculer dans le tout ou le rien. Ses personnages, quelle que soit leur appartenance sociale, sont en permanence placés face à leurs contradictions et à la difficulté d’assumer pleinement une idéologie (révolutionnaire ou non). Ce sur quoi le film repose essentiellement : jusqu’à quel point le système peut-il être remis en cause ? Et jusqu’à quel point ceux qui le remettent en cause sont-ils fiables ? L’union fait la force, mais être en groupe, c’est aussi être un mouton. Etre ou ne pas être ? Allende, lui, n’en réchappera pas…
Pour un premier essai, humble, simple, mais plein de finesse, Julie Gavras ne se laisse pas griser. Elle distille sans se précipiter une réalité qui n’a, hélas, échappé à personne. La Faute à Fidel devient ainsi un moyen de dire que si tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes, il ne faut pas pour autant accepter la mort des doctrines populaires. Citoyens, nous avons encore du pain sur la planche…
Lionel Vicari